Al-Qanṭara XLIII (2)
julio-diciembre 2022, e23
eISSN 1988-2955 | ISSN-L 0211-3589
https://doi.org/10.3989/alqantara.2022.023

ARTÍCULOS

Autour d’un commentaire de la Muršida attribué à al-Sanūsī (m. 895/1490) : discussion de la thèse de Ġurāb et tentative d’identification

A Commentary on the Muršida Attributed to al-Sanūsī (d. 895/1490): A Discussion of Ġurāb’s Thesis and an Attempt of Identification

Ilyass Amharar

IREMAM, CNRS, Aix-en-Provence

https://orcid.org/0000-0001-5298-0440

Résumé

La Muršida, traité ašʿarite attribué à Ibn Tūmart (m. 524/1130), représente une des plus célèbres traces écrites de la présence de l’ašʿarisme au Maghreb. L’un de ses commentaires les plus répandus a pour titre al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīdat al-Muršida (« Les lumières qui exposent et appuient les sens de la profession de foi al-Muršida »). Sa célébrité par rapport aux autres commentaires tient de celle de son auteur présumé : Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī (m. 895/1490), figure centrale de l’ašʿarisme tardif au Maghreb. Pourtant, tout - ou presque - porte à croire qu’il n’est vraisemblablement pas l’auteur de ce commentaire. Mais cela n’amoindrit pas l’importance du texte : il pourrait être l’un des premiers commentaires de la Muršida.

Mots clés : 
ʿaqīda; ašʿarisme; al-Muršida; al-Sanūsī.
Abstract

The Muršida, an Ašʿarī treatise attributed to Ibn Tūmart (d. 524/1130), represents one of the most famous written traces of the presence of Ašʿarism in the Maghreb. One of his most widespread commentaries is al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīdat al-Muršida (“The enlightenment that exposes and supports the meanings of the creed al-Muršida”). Its fame compared to the other comments stems from that of its alleged author: Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī (d. 895/1490), a central figure in later Ašʿarī theology. Yet almost everything suggests that he is probably not the author of this comment. But this does not diminish the importance of the text: it could be one of the first commentaries of the Muršida.

Key words: 
ʿaqīda; Ašʿarism; al-Muršida; al-Sanūsī.

Recibido: 10/09/2021; Aceptado: 05/04/2022; Publicado: 12/01/2023

Cómo citar/Citation: Amharar, Ilyass, “Autour d’un commentaire de la Muršida attribué à al-Sanūsī (m. 895/1490) : discussion de la thèse de Ġurāb et tentative d’identification”, Al-Qanṭara, 43, 2 (2022), e23. doi: https://doi.org/10.3989/alqantara.2022.023

Le but de cet article est de proposer une alternative à une thèse massivement admise chez les spécialistes de l’ašʿarisme au Maghreb1Cette théorie a d’abord été argumentée par Ġurāb : voir Ġurāb, « Muršidat Ibn Tūmart », pp. 107-137. Elle a ensuite été reprise par l’azharite Naǧǧār dans sa thèse publiée trois ans plus tard sur Ibn Tūmart : Naǧǧār, al-Mahdī b. Tūmart, p. 447. Depuis, elle a été relayée par Zahrī et Baḫtī. Voir entre autres : Baḫtī, al-Salālǧī wa-maḏhabiyyatuh al-ašʿariyya, p. 104. Casassas ne remet pas non plus en question cette thèse : voir Casassas, « Difusión », p. 172. selon laquelle le commentaire de la Muršida intitulé al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīdat al-Muršida (« Les lumières qui exposent et appuient les sens de la profession de foi al-Muršida ») serait l’œuvre du célèbre mutakallim ašʿarite Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī (m. 895/1490). Cette thèse est, il faut le concéder, séduisante, puisqu’elle fait de ce texte le symbole d’une « rencontre » entre deux grands noms ayant marqué l’ašʿarisme maghrébin : Ibn Tūmart, l’auteur présumé du traité, et al-Sanūsī, son commentateur. Rendue populaire par Ġurāb, cette thèse n’a, à ce jour, jamais été remise en question, en dépit des nombreuses interrogations qu’elle soulève. Après une brève présentation de la Muršida décrivant son contenu et dressant un rapide inventaire des études dont elle a fait l’objet, l’article exposera la thèse de Ġurāb et l’enjeu que représenterait ce commentaire si al-Sanūsī en était effectivement l’auteur. Une déconstruction de cette thèse s’articulera ensuite autour de trois axes : l’étude des sources biographiques sur al-Sanūsī, la collecte des manuscrits du commentaire et l’analyse de sa critique interne. Si nous tentons, à travers cet article, de prouver que ce commentaire n’a pas l’importance qui lui est attribuée, cela n’implique pas qu’il n’en ait aucune. Ainsi, nous tenterons, en guise de conclusion, d’identifier l’auteur et son époque.

Les études sur la Muršida

 

Selon2Je tiens à remercier Hocine Benkheira, Jean Druel, Delfina Serrano, Jan Thiele et mes deux évaluateurs anonymes pour leur relecture critique et les corrections apportées. Les imperfections subsistantes sont bien sûr les miennes. une tradition largement relayée par les sources médiévales3les plus anciennes sources, bien que pro-almohades: Ibn al-Qaṭṭān, Naẓm al-ǧumān, pp. 14-18., Muḥammad Ibn Tūmart4Thématiques non directement liées à notre sujet, nous n’aborderons pas dans cet article la figure d’Ibn Tūmart, ni sa vie ou son idéologie, pour lesquelles nous renvoyons directement aux travaux de Cressier, Fierro et Molina, Los almohades. Voir plus récemment : Fierro, « El Mahdī Ibn Tūmart », pp. 73-98. (m. 524/1130) est un homme berbère ayant quitté son pays pour le Moyen-Orient afin de parfaire son apprentissage de la religion. À Bagdad, il aurait eu l’opportunité de rencontrer al-Ġazālī5La question de la rencontre réelle ou non entre Ibn Tūmart et al-Ġazālī a suscité, chez les savants avant les chercheurs, de nombreux débats. Dès le VIIe/XIIIe siècle déjà, ʿAbd al-Wāḥīd al-Marrākušī, savant et historien pourtant sympathique au régime almohade, met en doute cette rencontre. Ibn al-Aṯīr (m. 630/1233) se montre plus catégorique : Ibn Tūmart n’a jamais rencontré al-Ġazālī. Rien n’empêche véritablement qu’une telle rencontre ait pu avoir lieu, même s’il est difficile d’attester chronologiquement la présence des deux personnes au même endroit. Parmi les suppositions émises par les chercheurs, on peut citer celle avancée par Fletcher selon laquelle une telle rencontre ait pu avoir lieu à Alexandrie. Pour Griffel, « although Ibn Tūmart could not have met with al-Ġazālī, he should still be regarded as one of his students, albeit not an immediate one ». Pour une étude complète sur le sujet, voir Griffel, « Ibn Tūmart’s Rational Proof for God’s Existence », pp. 753-756. Plus récemment, voir : Fierro, « El Mahdī Ibn Tūmart », p. 87. Ben Hammadī et Urvoy, cités par Fierro, soutiennent l’idée d’une rencontre entre les deux. (m. 505/1111) qui devint son maître et sa principale influence dans la théologie ašʿarite. Quand il revient au Maghreb, en 510/1116 ou 511/1117, il trouve un empire almoravide dont il déplore le déclin. Ibn Tūmart se sent alors investi d’une double mission, chacune pouvant être considérée comme une légitimation de l’autre : renverser l’empire almoravide en fondant l’empire almohade et propager le tawḥīd (unicité divine) en combattant le taǧsīm (anthropomorphisme)6Voir : Serrano Ruano, « ¿Por qué llamaron los almohades antropomorfistas a las almorávides? », pp. 815-852.. Pour diffuser sa doctrine à plus large échelle, il en résume les principes à travers des épîtres généralement courtes: les ʿAqāʾid (pl. ʿaqīda profession de foi), qu’il ordonne de mémoriser à ses disciples devenus de plus en plus nombreux. L’une des professions de foi les plus courtes, la Muršida (celle qui guide)7Voir son énoncé intégral en : Ibn Tūmart, Aʿazz mā yuṭlab, pp. 241-242., a retenu notre attention car elle peut symboliser l’une des premières traces d’instauration au Maghreb de l’ašʿarisme8Avertissement : il est important de faire ici une distinction entre la Muršida spécifiquement et la doctrine almohade de façon plus globale, incluant des concepts (tels que la ʿiṣma de l’Imām etc.) totalement étrangers au crédo ašʿarite. Serrano a déjà montré que l’appartenance théologique d’Ibn Tūmart à l’ašʿarisme était loin d’être admise. Voir : Serrano, « Entre Almorávides y Almohades », p. 44. Du fait de son contenu, la Muršida est en totale conformité avec la doctrine ašʿarite y compris dans l’ontologie des attributs divins qui la caractérise. Il est certain que les Ašʿarites postérieurs à Ibn Tūmart ont vu en ce texte accessible et facile à mémoriser une « arme d’ašʿarisation massive » efficace, indépendamment de l’orientation de son auteur présumé. Cette idée est confirmée par le nombre de commentaires du texte dont les auteurs ne sont pas systématiquement des nostalgiques de l’almohadisme, mais qui considéraient que ce traité était en accord avec l’ašʿarisme. Pour le cas d’al-Sakūnī, voir : Thiele, « Ashʿarism in Ḥafṣid Era », p. 304. Plus encore, ce texte, qui a traversé les siècles, devient même un « classique de l’orthodoxie sunnite » pour des ašʿarites plus tardifs tels Tāǧ al-Dīn al-Subkī (m. 771/1370), qui la cite au même titre d’autres professions de foi célèbres (telle la Ṭaḥāwiyya), et déclare dans ses Ṭabaqāt, après avoir énoncé intégralement la Muršida: laysa fīhā mā yunkiruh sunnī ») elle ne contient rien que ne puisse nier un sunnite(«. Voir : Subkī, Ṭabaqāt al-Šāfiʿiyya al-kubrā, tome 5, pp. 69-70. Enfin, et c’est une hypothèse que je développe dans un ouvrage en cours de rédaction, la trajectoire de la Muršida en Orient laisse croire à une volonté des savants locaux qui l’ont favorablement accueillie (dès le VIe /XIIe siècle) de faire l’absolue dissociation entre ce texte et le personnage polémique qu’était Ibn Tūmart, dont le nom pouvait entacher un bon accueil de cette profession de foi efficace, ce qui a sans doute favorisé plusieurs erreurs d’attributions du texte dans cette région dont certaines sont encore d’actualité, puisque la Muršida est encore enseignée dans certaines écoles traditionnelles au Liban sous le titre de Risālat Ibn ʿAsākir. Tout ceci participe donc de l’idée que la Muršida est dans tous les cas ce que nous appelons un texte « ašʿarite par adoption ». Voir : Amharar, « La Muršida au Moyen-Orient ». comme crédo d’État9Nous ne voulons nullement insinuer ici que l’ašʿarisme n’a existé au Maghreb que via les Almohades. Bien au contraire, la fatwā favorable à l’ašʿarisme qu’écrit Ibn Rušd al-Ǧadd au souverain almoravide Yūsuf b. Tāšafīn, mais également les traités de kalām de Murādī ou du Qāḍī Ibn al-ʿArabī prouvent l’implantation de cette école de kalām chez les Almoravides déjà. Cependant, n’ayant pas trouvé de décret almoravide officiel imposant à la population le crédo ašʿarite, le décret de ʿAbd al-Muʾmin semble à notre connaissance le document officiel le plus ancien. Sur l’ašʿarisme chez les Almoravides, voir: Serrano, « La diffusion de l’ašʿarisme,« pp. 79-102» ; Later Ashʿarism in the Islamic West, « pp. 515-533.. Un décret du successeur d’Ibn Tūmart10C’est ʿAbd al-Muʾmin, fidèle disciple d’Ibn Tūmart et son successeur au trône almohade, qui imposera ce décret. Bayḏaq, Aḫbār al-Mahdī b. Tūmart, p. 404. Pour une étude critique de cette source, voir : Fierro, « El Mahdī Ibn Tūmart », p. 82. impose sa mémorisation à toute les franges de la population : que ce soit le commun des gens (al-ʿāmma) incluant esclaves, femmes, et enfants, ou l’élite cultivée et formée par les soins d’Ibn Tūmart appelée ṭalabat al-ḥaḍar11Par ce terme, Ibn Tūmart désignait ses élèves confirmés, chargés de transmettre ses enseignements aux tribus (Fierro, « The Religious Policy », pp. 679-680). Les ṭalaba représentent la nouvelle élite formée par le califat almohade et dépendante de ces derniers du point de vue de la subsistance. Fricaud, « Les talaba dans la société almohade », pp. 331-338 (1997)., nul n’est alors censé ignorer la Muršida. Dès 540/1145, après la conquête de Fès, les Almohades limogent tous les orateurs d’al-Qarawiyyīn et n’autorisent à monter sur le minbar que celui qui la mémorise12Ibn Abī Zarʿ, al-Anīs al-muṭrib, p. 41..

La Muršida a régulièrement suscité l’intérêt des chercheurs depuis plus d’un siècle. Dès 1890, Goldziher la publie13Goldziher, « Die Bekenntnissformeln », pp. 168-171. avec d’autres traités qu’aurait dictés Ibn Tūmart à son successeur, rassemblés dans un livre nommé Aʿazz mā yuṭlab. En 1903, Luciani publie le même texte mais à partir d’un manuscrit algérois14Ibn Tūmart, Aʿazz mā yuṭlab.. Longas étudie sa traduction castillane en 191515Longás, La vida religiosa de los moriscos.. Massé se concentre sur les professions de foi d’Ibn Tūmart et la traduit en français en 192816Massé, « La profession de foi », pp. 106-121.. En 1951, Alverny et Vajda s’intéressent à sa traduction latine faite par Marc de Tolède au XIIIe siècle17Alverny, et Vajda, « Marc de Tolède », pp. 259-307.. En 1958, Harvey étudie la transmission de la Muršida en Andalousie à travers des versions traduites en aljamiado18Harvey, Literary Culture.. En 1960, Laoust étudie l’impact de la Muršida au Moyen-Orient à travers une fatwa d’Ibn Taymiyya19Laoust, « Une fetwa d’Ibn Taimiya », pp. 157-184.. Dominique Urvoy l’aborde comme élément de la pensée d’Ibn Tūmart en 197420Urvoy, « La pensée d’Ibn Tūmart », pp. 19-44.. En 1978, Ġurāb aborde l’impact de la Muršīda dans la pensée théologique au Maghreb21Ġurāb, « Muršidat Ibn Tūmart », pp. 107-137.. En 1981, Naǧǧār publie sa thèse sur Ibn Tūmart et l’impact de sa pensée au Maghreb, et y consacre un long passage sur la Muršida22al-Naǧǧār, al-Mahdī b. Tūmart, p. 447.. En 1994, Wiegers s’interroge sur les traductions du traité en berbère et roman23Wiegers, Islamic Literature in Spanish and Aljamiado., qu’il suppose être motivée par une politique almohade de prosélytisme. En 2017, de Ayala propose une étude plus récente des traductions latines de la Muršida24De Ayala, Ibn Tūmart, El arzobispo Jiménez de Rada y la «Cuestión sobre Dios ». et Casassas s’intéresse un an plus tard à la diffusion de copies du texte et sa fixation chez les musulmans espagnols du XV au XVIe siècle25Casasas, »Difusión,« pp. 165-178..

Tous ces chercheurs aboutissent au même résultat, à savoir l’incroyable diffusion de la Muršida à travers les siècles, en Orient, mais également en Andalousie, comme l’illustre sa traduction en latin, castillan ou aljamiado. Un tel succès s’explique sans doute par sa brièveté, facilitant sa circulation écrite comme orale.

Présentation du contenu

 

La Muršida est un traité tenant sur un seul folio, composé d’une trentaine de phrases très courtes (jusqu’à deux mots par phrases), dont beaucoup sont des extraits coraniques célèbres, à l’image de Ḥayyun Qayyūm lā taʾḫuḏuhu sinatun wa-lā nawm (Muršida, §-5) qui est une référence à Āyat al-Kursi26Qurʾān, (2: 255)., ou encore la phrase finale du traité Laysa ka-miṯlihi šayʾ wa-huwa l-Samīʿu l-Baṣīr, référence à la sourate al-Šūrā27Qurʾān, (42:11).. L’organisation du traité fait apparaître, comme le remarque Casassas28Casassas, « Difusión », p. 171., six blocs inégaux29La Muršida ayant plusieurs versions, celle que nous proposons (voir annexe) est celle adoptée par l’auteur de notre commentaire. Cette version est la même que celle choisie par Ġurāb, à l’exception de la phrase 14, qui y est absente., que nous reprenons ici de façon quelque peu remaniée30Ġurāb, Muršidat Ibn Tūmart, p. 119.:

  • I (§-1) : ouverture du traité par l’obligation sur toute personne responsable (mukallaf) de connaître Dieu ;

  • II (§-2 à 4) : exposé du fait que Dieu est le créateur de toute chose, que tout lui appartient et est sous Sa domination, sans quelconque associé ;

  • III (§-5 à 8) : insistance majoritaire sur la science de Dieu, qui est totale. Rien, pas même une graine dans l’obscurité, n’échappe à Sa science ;

  • IV (§-9 à 10) : exposé de la toute-puissance et la volonté divine ;

  • V (§-11 à 15) : succession de phrases affirmatives courtes commençant toutes par Lahu (Dieu a). Dieu a ainsi l’éternité, la souveraineté, la louange, et les plus beaux noms ;

  • VI (§-15 à la fin) : succession de phrase négatives commençant soit par ou Laysa. Il s’agit d’exempter Dieu d’imperfections telles que la limite physique, l’empêchement de réaliser sa volonté, le volume ou le fait d’être contenu par un quelconque endroit.

Courte et facile à mémoriser, la Muršida s’exporte en dehors du Maghreb dès le VIe /XIIe siècle : séduit par celle-ci, Saladin (m. 588/1193) aurait ordonné aux muezzins de la réciter avant chaque appel à la prière de l’aube31Maqrīzī, al-Mawāʿiẓ wa-l-iʿtibār. À propos de la récitation de la Muršida au Caire ayyoubide, voir également : Madelung, « The Spread of Maturidism », p. 157. Je remercie Jan Thiele de m’avoir indiqué cette source.. Cette grande diffusion, qui, nous l’avons dit, s’est illustrée par ses nombreuses traductions, l’est également par ses nombreux commentaires.

Le commentaire de la Muršīda attribué à al-Sanūsī (895/1490) : exposé de la thèse de Ġurāb

 

Paradoxalement, très peu de chercheurs se sont intéressés aux commentaires de la Muršida32Exception faite d’Iḥnana, qui a édité en 1993 le commentaire d’al-Sakūnī (717/1317) mais a laissé de nombreuses questions sans réponses, ne serait-ce que sur l’identité de son auteur. Sakūnī, Šarḥ Muršidat Ibn Tūmart. Jan Thiele s’est récemment intéressé à ce texte. Voir : Thiele, « Ashʿarism in the Ḥafṣid Era », p. 304. D’autres chercheurs ont fait allusion à un commentaire de la Muršida sans forcément en proposer une étude approfondie, comme Ben Chrifa et Urvoy qui ont évoqué l’existence supposée d’un commentaire de la Muršida écrit par Averroès.. Dans une brève notice du manuscrit 5296 de la BNF33Vajda, « Manuscrits arabes », pp. 91-94., Vajda signale la présence d’un fragment du commentaire de notre traité par un certain Ibn Ṭarābulusī, mais, le jugeant dénoué d’intérêt, s’abstient d’en faire une étude plus approfondie.

Ce n’est qu’à partir de 1960, avec l’article de Ġurāb, qu’une première véritable étude passe en revue les commentaires du texte. Les travaux de Ġurāb furent repris par Naǧǧār et sont jusqu’aujourd’hui une référence en la matière dans de nombreuses universités arabes.

Ainsi, parmi les commentaires de la Muršida, Ġurāb34Ġurāb, « Muršidat Ibn Tūmart », p. 126. cite celui de Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī. Il en justifie l’attribution par la présence de deux copies du texte conservées à la Bibliothèque nationale Tunisienne dans lesquelles le nom d’al-Sanūsī apparaîtrait :

  • le manuscrit 16953, originaire de la Bibliothèque de Kairouan, deuxième texte d’un recueil en comportant huit ;

  • le manuscrit 08524 qui est le troisième texte d’un recueil en comportant quatre ;

Pour corroborer son propos, Ġurāb cite al-Šāḏilī al-Nayfar, savant tunisien et collectioneur, qui, dans son édition de la Fārisiyya35Ibn Qunfuḏ, al-Fārisiyya, p. 210.d’Ibn Qunfuḏ (m. 810/1407), lors de l’étude sur l’authenticité du titre de la Muršida, cite un passage du commentaire, dont il possédait une copie, qu’il nomme sobrement Šarḥ al-Sanūsī comme si l’attribution du commentaire ne semblait pas nécessiter plus de recherche. Pourtant, Ġurāb remarque lui-même à juste titre36Ġurāb, «Muršidat Ibn Tūmart », p. 127. que la copie 08524 se conclut par cette phrase étonnante :

kull mā wuḍiʿa šarḥan ʿalā al-Muršida taʾlīf […] Yaḥyā […] al-Hintātī

(« Tout ce commentaire de la Muršida a été écrit par […] Yaḥyā […] al-Hintātī. »)

Ceci semble clairement contredire la paternité d’al-Sanūsī : comment un texte peut être attribué à un auteur en son début et à un autre en sa fin ? D’autant qu’une découverte de Gannūn37Gannūn, Ǧawla fī al-fikr al-islāmī, p. 4., savant et collectionneur marocain, que Ġurab cite pourtant, renforce cette ambiguïté. Dans son article « ʿAqīdat al-Muršida », Gannūn décrit une autre copie du même texte qui lui est parvenue38Cette copie (10261) est depuis conservée à la Bibliothèque Gannūn, à Tanger. En l’attente de son édition, toutes nos citations du dit commentaire renvoient à cette copie., mais celle-ci est intitulée al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīdat al-Muršida, et est attribuée cette fois-ci à un seul auteur, répondant au nom d’Abū Zakaria Yaḥyā b. al-šayḫ Abī Ḥafṣ ʿUmar b. Abī Bakr al-mašhūr bi-l-Tanasī ṯumma al-Haytīnī. Gannūn suggère qu’il s’agit de « la plus authentique des copies » (aṣaḥḥ al-nusaḫ).

Ġurāb refuse de trancher entre les deux attributions car certaines sources biographiques évoquent bien un commentaire de la Muršida attribué à al-Sanūsī. Ġurāb propose de lever l’ambiguïté de la manière suivante : ce commentaire est un ouvrage collectif, commencé par al-Sanūsī et achevé par ce certain Yahyā, visiblement un de ses élèves. Il en veut pour preuve deux éléments :

  • un passage du texte lui-même (Anwār, f° 23r, l-20) dans lequel on peut lire wa-laqad aḥsana baʿḍ aṣḥābinā bi-takmīl hāḏā l-muḫtaṣar (« un de nos compagnons a bien agi en achevant ce résumé ») ;

  • l’existence d’une autre copie, conservée à Meknès, qui attribue le texte à Yaḥyā wa-man maʿahu (« Yaḥyā et celui qui est avec lui »).

Lucide, Ġurāb a reconnu que le sujet nécessitait davantage de recherches suggérant à juste titre que la consultation des copies conservées au Maroc apporterait sans doute un éclaircissement39Ġurāb, « Muršidat Ibn Tūmart », p. 128.. Nous proposons, dans cet article, de discuter la thèse de Ġurāb, qu’on appellera « la thèse de l’achèvement », selon laquelle l’ouvrage a été commencé par al-Sanūsī puis achevé par son disciple. Cette théorie, reprise par al-Naǧǧār40al-Naǧǧār, al-Mahdī b. Tūmart, p. 447., n’a jamais été remise en question, et continue d’être relayée, malgré ses ambiguïtés41Casassas, « Difusión », p. 172.. Cette absence de questionnement autour de l’attribution du texte s’explique d’une part par le peu de recherches s’intéressant directement à ce commentaire, mais surtout par la valeur hautement symbolique que prend ce texte en l’attribuant à al-Sanūsī, eu égard au rôle de ce dernier dans la production écrite sur le kalām ašʿarite au Maghreb.

L’enjeu d’un commentaire de la Muršida par al-Sanūsī

 

Abū ʿAbd Allāh Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī savant d’origine chérifienne, naquit en 832/1428, à Banī Sanūs, non loin de Tlemcen, un des pôles scientifiques importants du Maghreb du IXe/XVe siècle. Savant érudit, il écrit dans divers domaines: fiqh, ḥadīṯ et tafsīr, mais également mathématiques ou médecine. Cependant, sa célébrité, post-mortem comme de son vivant, tient certainement de ses traités de théologie (ʿaqāʾid) qu’il écrit pour des publics plus ou moins spécialisés : al-ʿAqīda al-kubrā42Édité en 1899 au Caire par Aḥmad ʿAlī al-Šāḏilī pour le compte de la Maṭbaʿat al-Islām. (« Traité de croyance majeur ») al-ʿAqīda al-wusṭā43Édité au Liban par Yūsuf ʿAlī pour Dār al-Kutub al-ʿIlmiyya. (« Traité de croyance moyen »), et al-ʿAqīda al-ṣuġrā44Très diffusée dans le monde, elle a de nombreuses éditions. Voir note 5, p. 1. (« Traité de croyance mineur »), également appelée Umm al-barāhīn (« La mère des preuves »), ou plus simplement al-Sanūsiyya. Leur contenu est assez similaire, et le thème, traité avec un approfondissement différent selon le texte, reste la doctrine ašʿarite concernant les attributs divins et les attributs des Prophètes. Le texte de la Suġrā est élémentaire, tandis que dans la Wusṭā et la Kubrā, al-Sanūsī se permet d’aborder en profondeur des sujets plus polémiques, tels que la réfutation des doctrines muʿtazilites ou celles des philosophes. En parallèle de son activité dans le kalām, al-Sanūsī mène une vie d’ascète, bienfaisant envers les démunis, ce qui lui vaut une réputation de saint (walī): quand al-Sanūsī meurt, à Tlemcen, en 895/ 1490, sa tombe devient un lieu de pèlerinage (ziyāra).

De nombreux chercheurs se sont intéressés à al-Sanūsī. En 1854, dans sa notice basée majoritairement sur le dictionnaire biographique de Aḥmad Bābā, Cherbonneau45Cherbonneau, « Documents inédits sur Es-Sanouci », p. 175. propose une brève biographie de al-Sanūsī ainsi qu’une liste de ses livres. Luciani traduit à Alger en 1896 la ʿAqīda ṣuġrā46Luciani, Petit traité de théologie musulmane.. Alors que Montgomery Watt s’est intéressé à ses ʿAqāʾid47Watt, Islamic Creeds., Kenny, lui, s’est focalisé sur la Wusṭā et y a consacré sa thèse48Kenny, Muslim Theology, pp. 35-48.. L’article de Bencheneb49Bencheneb, « al-Sanūsī », EI 2 . sur la biographie d’al-Sanūsī, mérite également d’être cité. Plus récemment, de nouvelles études se sont concentrées en particulier sur la diffusion de ses traités théologiques en Afrique subsaharienne50Van Dalen, Doubt, Scholarship and Society. Voir également Rouayheb, Islamic Intellectual History, p. 106., son imprégnation d’autres figures de l’ašʿarisme51Olson s’est récemment intéressée à la distance prise par al-Sanūsī vis-à-vis de ce qu’elle appelle le « Rāzian kalām ». Voir : Olson, « Beyond the Avicennian Turn ».ou encore son influence sur d’autres savants plus tardifs52Spevack, The Archetypal Sunni Scholar, p. 68..

En effet, les ʿAqāʾid ont joué un rôle essentiel dans l’enseignement de la théologie en Afrique du Nord et de l’Ouest53L’enseignement des textes théologiques d’al-Sanūsī se propage en langue vernaculaire en Afrique de l’Ouest et Niger sous le nom fulani de Kabbe, et se diffuse à Timbuktu via Aḥmad Baba, un des savants africains ayant marqué le dixième/seizième siècle. Van Dalen, Doubt, Scholarship and Society, p. 109., mais également d’autres régions du monde musulman54On peut citer l’Égypte, mais également l’Indonésie ou la Malaisie, dans lesquelles les ʿAqāʾid sont enseignées jusqu’à nos jours. Voir : Olson, « Beyond the Avicennian Turn », p. 105.. Dans la chaîne de transmission (sanad) de la doctrine ašʿarite au Maghreb, il représente un maillon important, aux côtés d’Ibn Tūmart : si le premier a contribué à instaurer celle-ci comme doctrine d’état, le second l’a argumentée et en a facilité la diffusion dans les couches populaires. Mais s’il est vrai qu’al-Sanūsī a effectivement contribué par ses petits traités à rendre la doctrine ašʿarite accessible à un grand nombre, il ne doit pas pour autant être réduit à un simple « vulgarisateur ». Comme le remarque El-Rouahyeb, sa ʿAqīda kubrā, commentée par al-Sanūsī lui-même, mérite d’être considérée comme une des oeuvres majeures de la tradition ašʿarite55El-Rouayheb, Islamic Intellectual History, p. 176..

L’œuvre de al-Sanūsī, largement basée sur les travaux d’anciens ašʿarites, en particulier al-Ǧuwaynī56Pour une illustration de cette influence, voir : Olson, « Beyond the Avicennian Turn », pp. 124-132. et al-Ġazālī, est celle d’un maitre du kalām dont la pensée s’imprègne des termes et concepts de la logique aristotélicienne, désignée usuellement par le terme arabe de manṭiq. Ses arguments sont des barāhīn, (sing. burhān) : ils découlent d’un argumentaire méthodique au sein d’un cadre lorique57Van Ess, « The logical structure of Islamic Theology », pp. 35-38. Voir plus récemment : El-Rouayheb, « Theology and Logic », pp. 409-430.. D’après Aaron Spevack, al-Sanūsī appartient donc à cette vague post-ghazalienne de savants ayant profité du développement de la logique aristotélicienne pour incorporer des éléments de la méthode avicénienne tels que la logique syllogistique au discours du kalām58Spevack, The Archetypal Sunni Scholar, p. 68..

Concernant les références d’al-Sanūsī59Sur les références citées par al-Sanūsī, voir : Olson, « Beyond the Avicennian Turn », pp. 120-132., on pourrait classer les savants qu’il cite abondamment en deux catégories :

  • d’un côté les maîtres Ašʿarites d’Orient, représentés par le fondateur de l’école, Abū l-Ḥasan al-Ašʿarī, et ses disciples, directs ou non, anciens ou tardifs. De tous ces noms, al-Ǧuwaynī et al-Rāzī figurent parmi les plus fréquemment cités. Al-Sanūsī s’appuie fréquemment sur le premier, particulièrement sur son livre al-Iršād, et cite souvent les Maʿālim uṣūl al-dīn du second60Al-Sanūsī se montre particulièrement critique vis-à-vis d’al-Rāzī et lui reproche à plus d’une reprise d’être influencé par la falsafa. Voir : Olson, « Beyond The Avicennian Turn », p. 122. ;

  • d’un autre côté, les savants majoritairement61Nous précisons « majoritairement » car de rares commentateurs cités ne sont pas maghrébins, tels al-Muqtaraḥ (m. 612/1215), commentateur du Iršād, originaire d’Égypte. maghrébins qui ont travaillé sur l’œuvre des deux savants précédemment cités. En effet, les références maghrébines convoquées sont essentiellement des commentateurs d’al-Iršād ou des Maʿālim, respectivement Ibn Dihāq (m. 611/1214) pour le premier, et Ibn al-Tilimsānī (m. 644/1246) pour le second.

Ce classement se vérifie dans toute la partie accessible de l’œuvre d’al-Sanūsī. Dans la Kubrā, à titre d’exemple, l’ensemble « al-Ǧuwaynī - al-Rāzī - Ibn Dihāq - Ibn al-Tilimsānī » représente plus de la moitié de la totalité des sources citées du texte62Sur les 193 citations de kalām que nous avons répertoriées dans la Kubrā, on trouve dans l’ordre décroissant: Ibn al-Tilimsānī (cité 32 fois), al-Ǧuwaynī ( 30 fois), al-Rāzī ( 22 fois) et Ibn Dihāq (7 fois)..

El-Rouayheb63El-Rouayheb, « Opening the Gate of Verification », p. 269. note que al-Sanūsī appartient à la tradition du taḥqīq, définie par Spevak comme étant « an approach to the Islamic sciences that emphasizes not mere reproduction of past knowledge, but a deep engagement in the sources and proofs for various rulings and opinions, as well as a willingness to express one’s own opinions on the issues in question »64Spevack, The Archetypal Sunni Scholar, p. 175, nt 39..

En introduction de tous ses textes théologiques, al-Sanūsī a coutume d’exposer sa position vis-à-vis du kalām. Il y stipule souvent que le premier devoir de l’être humain est de s’engager dans ce qui est traditionnellement appelé al-naẓar, à savoir ici un raisonnement rationnel aboutissant à l’existence de Dieu. Distinction est donc faite entre celui qui croit en Dieu en ayant connu au moins une preuve rationnelle de Son existence, et celui qui a été convaincu de Son existence sans aucun examen de la raison. C’est ce dernier qui est dit muqallid. Son statut est intimement lié au jugement du naẓar:

  • dire que le naẓar est une obligation conditionnant la validité de la foi revient à dire que le muqallid est donc mécréant ;

  • dire que le naẓar est une obligation mais non une condition de la foi revient à dire que le muqallid est pécheur mais reste musulman ;

  • dire que le naẓar est simplement recommandé revient à dire que le muqallid est musulman non-pécheur.

Le statut du muqallid est une question qui a beaucoup fait couler d’encre, et qui a valu à al-Sanūsī de nombreux ennuis65Pour plus de précisions sur cette controverse ancienne, voir : Frank, « Knowledge and Taqlīd », pp. 37-62.. Les masses illettrées étant souvent assimilées à des muqallidīn, la première position dans ce débat houleux peut-être vite interprétée comme un takfīr de la majorité de la population.

Pour al-Sanūsī, le naẓar est une obligation incombant à tout individu (farḍ ʿayn). Mais est-ce une condition de validité ? En d’autres termes : est-ce que le muqallid cité plus haut est mécréant selon al-Sanūsī ? C’est ce qu’ont semblé comprendre de ses textes66Spevack signale qu’al-Sanūsī défend cette position dans la Kubrā, mais qu’il serait revenu dessus dans son Kifāyat al-Murīd. de nombreux savants, et c’est ce qui lui a valu de nombreux tracas67Il aurait dit : « Plusieurs contemporains m’ont accusé d’égarement et d’innovation ». Voir ʿIlmī Ḥamdān, « Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī », p. 206.. En écrivant la Wusṭā, al-Sanūsī se défend : on ne saurait savoir ce qui est dans le cœur des musulmans du commun, ce qui implique qu’on ne puisse donc pas les déclarer égarés sur la simple suspicion.

Cette position ferme d’al-Sanūsī vis-à-vis de l’obligation du naẓar a en quelque sorte justifié toute son œuvre : s’il a tant vulgarisé la doctrine ašʿarite et s’est tant attelé à la rendre accessible aux masses, c’est justement dans le but de les sortir du taqlīd, de les faire passer d’une foi sujette à divergence à une autre, qui, elle, est correcte selon l’unanimité.

L’existence d’un commentaire de la Muršida par al-Sanūsī illustrerait donc la rencontre entre deux figures, deux pensées décisives, et deux maillons principaux dans la chaîne chronologique de la diffusion de l’ašʿarisme au Maghreb. L’enthousiasme qu’une telle « affiche » peut susciter chez les chercheurs est donc réel, et même compréhensible. Il reste à savoir s’il trouve une justification scientifique sérieuse, en questionnant les sources convoquées par Ġurāb, en les confrontant à d’autres non consultées par celui-ci, et en analysant ce qu’apporte l’inventaire d’un maximum de copies du texte combiné aux éléments de critique interne.

Étude de l’attribution du texte à al-Sanūsī : ce que disent (et ne disent pas) les sources biographiques

 

Les sources consultées par Ġurāb sont les mêmes que Cherbonneau, qui, nous l’avons dit, est l’un des premiers chercheurs à s’être intéressé à Sanūsī, sa vie, mais également ses écrits. Il s’est appuyé pour cela sur deux sources : le dictionnaire biographique d’Aḥmad Bābā al-Tinbuktī (1036/1627), Nayl al-ibtihāǧ68Tinbuktī, Nayl al-ibtihāǧ, p. 329., et celui d’Ibn Maryam (après 1014/1605), al-Bustān69Ibn Maryam, al-Bustān, p. 247.. Le premier traite des savants malékites en général, tandis que le second se concentre sur les savants et vertueux de la ville de Tlemcen. Pour faire l’inventaire des livres écrits par al-Sanūsī, Cherbonneau a recours à un autre livre d’al-Tinbuktī : al-Laʾālī al-sundusiyya fī l-faḍāʾil al-Sanūsiyya70Manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc (ms. 984 د)., grâce auquel il parvient à donner une liste de trente-huit livres. En trente et unième position, vient le livre qui nous intéresse :

31° Commentaire de la Mourchida. Il ne m’a pas été possible d’apprendre à quelle branche de la science se rattache cet ouvrage.71Cherbonneau, « Documents inédits », p. 180.

Ce qui a semblé échapper à Cherbonneau, c’est que les Laʾālī d’al-Tinbuktī ne sont en fait qu’un abrégé d’un livre plus ancien: al-Mawāhib qudsiyya fī l-manāqib al-Sanūsiyya, ouvrage hagiographique écrit, peu de temps après la mort d’al-Sanūsī, par Muḥammad al-Mallālī (897/1492). Les dictionnaires biographiques ne nous apportent aucune information sur al-Mallālī, si ce n’est qu’il fut le disciple d’al-Sanūsī. Néanmoins, des précisions intéressantes sont à trouver dans les Mawāhib directement. Al-Mallālī semble avoir été un élève privilégié d’al-Sanūsī : c’est pour son père que ce dernier écrit un de ses traités. Preuve d’un égard particulier, al-Sanūsī a de son vivant autorisé à al-Mallālī l’accès à sa bibliothèque, y compris l’ensemble des livres que al-Sanūsī a écrit de sa main. Le témoignage d’al-Mallālī est donc précieux : il atteste, peu de temps après sa mort, des ouvrages qu’il a lui-même lus sur al-Sanūsī, mais également ceux que ce dernier a écrit de sa propre main, faisant la distinction entre les œuvres complètes et les livres inachevés, tout en précisant pour chaque ouvrage son titre s’il en comporte un. Toutes ces raisons font que la liste établie par al-Mallālī mérite d’être consultée en premier lieu.

Cette liste, qui commence par le tout premier livre écrit par al-Sanūsī à l’âge de dix-neuf ans sur les droits de succession, contient 39 titres72Daḫḫān dans son ouvrage biographique sur al-Sanūsī, en incluant les fatāwā, étend la liste à 62 ouvrages. Daḫḫān, al-Imām al-ʿallāma Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī, p. 15., dans des domaines divers : théologie, jurisprudence, exégèse, grammaire, ou soufisme, mais également médecine, mathématiques et astronomie. La classification d’al-Mallālī est intéressante ; elle fait apparaître, par ordre décroissant, les domaines dans lesquels al-Sanūsī a le plus écrit : la théologie (onze ouvrages) ; le hadith (six ouvrages) ; la logique (cinq ouvrages) ; les sciences du Coran (quatre ouvrages). Entre ces quatre grands « blocs » apparaissent d’autres domaines dans lesquels al-Sanūsī n’a écrit qu’un ou deux livres (l’astronomie, les mathématiques, la médecine, le soufisme, la grammaire, la biographie prophétique ou la jurisprudence).

Le commentaire de la Muršida arrive en trente-cinquième position dans cette liste, parmi les ouvrages qui traitent de sujets divers tels que la biographie prophétique ou les mathématiques. Al-Mallālī écrit à son sujet73al-Mawāhib, f80.:

35° Wa-minhā šarḥuhu li-l-Muršida, raʾaytuhu mukammalan bi-ḫaṭṭihi.

(« Parmi ses livres il y a son commentaire de la Muršida, je l’ai vu achevé et écrit de sa main ».)

Cette liste établie par al-Mallāli confirme qu’al-Sanūsī a bien commenté une Muršida mais ne précise pas laquelle. Trois probabilités s’offrent à nous :

  • soit il s’agit effectivement de la Muršida d’Ibn Tūmart ;

  • soit il s’agit d’un autre traité de théologie appelé Muršida ;

  • soit il s’agit d’un traité d’un autre domaine.

La déclaration de Cherbonneau citée plus haut prend donc tout son sens : rien dans le texte ne permet de déterminer de quelle Muršida il s’agit, d’autant que deux éléments viennent renforcer les deux dernières probabilités :

  • le premier élément est l’existence d’un texte d’al-Sanūsī portant également le nom de Muršida: il s’agit de la ʿAqīda wusṭā. Brockelmann74Brockelmann, Tārīḫ al-adab al-ʿarabī, tome 7, p. 478. signale que la Wusṭā a en fait deux autres noms : elle est également appelée al-Ǧumal et al-Muršida. Parmi les chercheurs plus récents, John O. Hunwick signale ces deux autres noms75Hunwick, Arabic Literature of African, p. xxii..

  • le second élément est l’existence effective de Muršida-s, dans d’autres domaines, qu’al-Sanūsī aurait très bien pu enseigner. Nous pensons particulièrement à la Muršida fī ṣināʿat al-ġubār d’Ibn al-Hāʾim (m. 814/1412). Il s’agit, avec la Yāsamīniyya, traité d’Ibn al-Yāsamīn (m. 601/1204) qu’al-Sanūsī a d’ailleurs commenté, d’un des traités d’arithmétique les plus populaires de son époque. La possibilité qu’il s’agisse d’un commentaire de la Muršida d’Ibn al-Hāʾim est renforcée par sa position dans la liste des œuvres d’al-Sanūsī, parmi les ouvrages traitant de sciences telles les mathématiques. Si le commentaire d’al-Sanūsī concernait la théologie, pourquoi ne pas l’avoir cité en début de liste, parmi les ouvrages traitant de théologie ?

Aussi, l’affirmation d’al-Mallālī indique bien que ce livre a entièrement été rédigé de la main d’al-Sanūsī. Ce commentaire n’est donc pas un ouvrage inachevé, complété par quelqu’un d’autre76Dans cette liste des ouvrages d’al-Sanūsī, Mallālī ne manque pourtant pas de signaler quand un des livres est inachevé : c’est le cas du commentaire de la biographie prophétique al-Rawḍ al-Unuf d’al-Suhaylī (m. 581/1185)..

Enfin, al-Mallālī a eu accès à la version finale de l’autographe du commentaire, dont il ne cite pas de titre particulier, contrairement à son habitude. Or notre commentaire porte un titre. On peut imaginer qu’al-Mallālī ne se serait pas abstenu de citer le titre s’il en avait eu un.

Ainsi, si les sources convoquées par Ġurāb pour appuyer sa thèse indiquent qu’effectivement al-Sanūsī a bien commenté un texte appelé Muršida, non seulement rien ne prouve qu’il s’agisse de notre texte, mais au contraire les preuves convergent vers l’idée qu’il s’agisse d’un autre.

Entre erreur du copiste et du catalogueur : ce qu’apporte la collecte des manuscrits

 

Ġurāb voyait juste en pensant que la consultation des copies maghrébines apporterait un éclaircissement à la question : ils indiquent majoritairement un auteur qui n’est pas al-Sanūsī. En plus des deux manuscrits tunisiens utilisés par Ġurāb, nous avons pu en collecter neuf autres :

  • 1) Tanger, Bibliothèque ʿAbd Allāh Gannūn 10261, 12 folios en bon état de conservation : al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīdat al-Muršida « Les lumières qui exposent et appuient les significations de la profession de foi al-Muršida », attribué à Abū Zakariyyā Yaḥyā b. al-šayḫ Abī Ḥafṣ ʿUmar b. Abī Bakr al-mašhūr bi-l-Tanasī ṯumma al-Haytīnī. La première main date de l’an 1001/1592, la seconde du 2 de Ḏū l-Qaʿda 1154/1741.

  • 2) Rabat, Bibliothèque royale al-Ḥasaniyya 10880, 10 folios (22 lignes par page), sans titre, attribué à Abū ʿAbd Allāh Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī al-Ḥasanī. Il ne présente ni nom de copiste, ni date de copie. Il est issu d’un groupement de textes. Il commence au milieu de la sixième page.

  • 3) Rabat, Bibliothèque ʿAllāl Fāsī 1145 ع 165, sans titre, attribué à Abū ʿAbd Allāh Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī al-Ḥasanī. Il est issu d’un recueil de plusieurs autres textes.

  • 5) Meknès, Complexe culturel 333 : al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīdat al-Muršida, attribué à Abū Zakariyyā Yaḥyā b. al-šayḫ Abī Ḥafṣ ʿUmar b. Abī Bakr.

  • 6) Bamako, Institut Aḥmad Bābā 3859 : al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīdat al-Muršida, attribué à Abū Zakariyyā Yaḥyā b. al-šayḫ Abī Ḥafṣ ʿUmar b. Abī Bakr.

  • 7) Paris, Bulac ARA.216, ff. 54-67v, copie maghrébine sans titre, datée de 1222/1808, attribuée à Abū Zakariyyā Yaḥyā b. al-šayḫ Abī Ḥafṣ ʿUmar b. Abī Bakr al-Tinsī.

  • 8) Dubaï, Ǧumʿa al-Māǧid 798 : microfilm d’un manuscrit marocain de la Zāwiya Tanġammalt d’Azilal, intitulé al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīdat al-Muršida, attribué à Abū Zakariyyā Yaḥyā b. al-šayḫ Abī Ḥafṣ ʿUmar b. Abī Bakr, issu d’un recueil dont l’un des textes est daté de l’an 911/1505.

  • 9) Ayt ʿAyyāš (Province de Midelt, Maroc), bibliothèque de la Zāwiyat Sīdī Ḥamza 1335, sans titre ni attribution.

L’écrasante majorité des copies (neuf sur onze) est attribuée à Abū Zakariyyā. De plus les deux seules copies attribuées à al-Sanūsī ont pour point commun d’être dans un recueil regroupant d’autres ouvrages d’al-Sanūsī, ce qui pose la question d’une possible erreur du copiste dans l’attribution de ces textes, erreur très récurrente dans les manuscrits. Ce cas est loin d’être unique. Dans son étude des manuscrits sur l’ašʿarisme de la Bibliothèque royale de Rabat, dont est issue notre copie numéro 10880, Zahrī77Zahrī, Taqniyat al-taʿāmul maʿa al-maḫṭūṭ, p. 135. montre que nombre d’entre eux sont attribués à tort à al-Sanūsī. Le manuscrit 12095, par exemple, qui est un traité d’Abū l-Ḥasan ʿAlī al-Ṭarābulsī (m. XIIe/XVIIIe siècle), est attribué sur sa première page à al-Sanūsī78Source précédente, p. 137.. De plus, il est intéressant de remarquer que pour les deux seuls cas où le texte est attribué à al-Sanūsī, le titre du texte n’y apparaît pas, comme si le copiste, en l’absence du titre, l’avait attribué lui-même, exactement comme dans le cas du manuscrit 12095 cité par Zahrī.

À l’erreur du copiste s’ajoute celle du catalogueur (mufahris). À de nombreuses reprises, le titre figurant sur le catalogue ne figure pas dans le manuscrit mais il est ajouté par le catalogueur. L’exemple de la copie 1335 de la Zāwiyat Sīdī Ḥamza est significatif : le manuscrit ne présente ni titre ni auteur, mais figure dans le catalogue comme étant l’œuvre d’al-Sakūnī (717/1317), car issu d’un recueil incluant un commentaire d’al-Sakūnī79Cette même erreur est signalée par Ġurāb lui-même concernant des copies tunisiennes du commentaire de Sakūnī! Ġurāb, Muršidat Ibn Tūmart, p. 126. Ce commentaire a été publié, comme signalé précédemment..

La collecte des copies marocaines du texte apporte donc un éclaircissement considérable, et porte à croire que la présence du nom d’al-Sanūsī n’apparaît non seulement que dans une infime quantité de manuscrits (2 sur 11), mais en plus que cette même présence semble plus être le résultat d’une déduction hasardeuse tantôt du copiste, tantôt du catalogueur. Reste à chercher davantage d’indices, mais cette fois-ci à partir du texte lui-même.

Éléments de critique interne remettant en cause la thèse de Ġurāb

 

Notre texte est intitulé: al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīdat al-Muršida (« Les lumières qui exposent et appuient les significations de la profession de foi al-Muršida »). Il est relativement court, puisqu’il tient sur moins d’une vingtaine de folios en moyenne. Le titre indique qu’il ne s’agit pas ici d’un texte indépendant, mais du commentaire d’un autre ouvrage, en l’occurrence la Muršida d’Ibn Tūmart. Le commentateur précise, après les formules habituelles de basmala et ḥamdala, qu’il a écrit ce texte à la demande d’une personne, non-identifiée. Par ce livre, l’auteur entend donc expliquer la Muršida, traité de croyance (ʿaqīda) ašʿarite attribué à Ibn Tūmart, fondateur de la dynastie almohade, qui, rappelons-le, imposa la mémorisation mais également la bonne compréhension de ce traité ašʿarite à l’ensemble de la population. Ce besoin de comprendre la Muršida n’est pas caractéristique de l’époque almohade, mais s’est manifesté régulièrement à chaque siècle, jusqu’à nos jours80On peut signaler des commentaires d’auteurs du XXIe siècle, tel Samīr al-Qāḍī, auteur de Muršid al-ḥāʾir édité en 2010 par Dār al-Mašārīʿ à Beyrouth.. Un commentaire comme celui-ci répond donc à un besoin d’éclaircissements sur des passages du traité demandant explication.

Il s’articule autour des notions abordées dans le traité : 1) l’unicité de Dieu ; 2) Son pouvoir absolu de création ; 3) la soumission des créatures à Lui ; 4) Son éternité ; 5) Son exemption de toute imperfection ; 6) le fait que Sa science englobe toute chose ; 7) Sa toute-puissance ; 8) Sa volonté absolue ; 9) Son non-besoin81C’est par ce terme que nous traduisons, faute de mieux, l’attribut al-ġināʾ qui signifie selon les ašʿarites que Dieu n’a nul besoin de sa création. ; et 10) Sa non-ressemblance avec les créatures.

L’auteur aspire à prouver la véracité de chacun de ces points. Mais il n’hésite pas à trouver des prétextes pour insérer des notions absentes dans le texte82Sur la raison de leur absence de la Muršida, Thiele avait déjà supposé qu’il s’agît de notions incompatibles avec la doctrine almohade selon laquelle la ʿiṣma par exemple n’aurait pas été l’apanage exclusif des prophètes mais une des caractéristiques du mahdī maʿṣūm. Voir : Thiele, « Facing the Mahdī’s True Belief », pp. 96-112. telles que la vision de Dieu dans l’au-delà ; al-imāma, où il aborde le statut du calife et le devoir de ses sujets ; et al-nubuwwa, où il traite de l’impeccabilité des prophètes (ʿiṣmat al-anbiyāʾ).

Contrairement à l’auteur du traité, le commentateur multiplie les raisonnements rationnels, basés sur des définitions admises initialement en guise d’introduction, pour argumenter chacune des notions abordées dans le traité. Il n’hésite pas, si le principe énoncé est complexe, à l’expliciter, en commençant par la formule wa-bayān ḏālika anna… (« et ceci veut dire… »)

Il multiplie également les classifications (taqsīmāt) qui présentent son raisonnement sous forme d’arborescence. Enfin, pour rendre plus clair son propos, le commentateur a recours à la fanqala, un procédé de questions-réponses : fa-in qulta... qultu... (« si tu dis… je réponds… »). Ce commentaire est aussi l’occasion de réfuter les thèses d’adversaires théologiques des ašʿarites, en particulier les muʿtazilites, qu’il désigne par des expressions souvent lapidaires : Laʿanahum Allāh (« que Dieu les maudisse »).

Concis, ce commentaire remplit donc son rôle de clarifier les principes du traité en les illustrant par ce qu’il perçoit comme étant des preuves textuelles et des arguments rationnels, sans trop entrer dans les détails des débats doctrinaux pouvant décourager un débutant.

Quelques éléments de critique interne

 

1. Les références

 

Comparer les sources citées par le commentateur à celles citées habituellement par al-Sanūsī s’avère intéressant. Comme nous l’avions fait plus haut avec al-Sanūsī, nous proposons de classer les références du commentateur en deux catégories: savants d’Orient et d’Occident.

1.1. Savants d’Occident
 

Il n’y en a que deux : Abū Isḥāq al-Isfarāyīnī (m. 418/1027), qui n’est cité qu’une fois pour définir le « non-besoin » de Dieu83Abū Zakariyyā, Anwār, f°8r, l-19. et al-Ġazālī, que le commentateur mentionne à deux reprises : une première fois en début de texte84Abū Zakariyyā, Anwār, f°2v, l-2. au sujet du statut de celui qui a cru par imitation (taqlīd), et une deuxième fois en fin de texte, sans le citer, mais en renvoyant à son livre Iḥyāʾ ʿulūm al-dīn, pour appuyer le fait que Dieu n’est pas circonscrit dans une direction spatiale quelconque85Abū Zakariyyā, Anwār, f°18r, l-14.. On peut s’étonner de l’absence flagrante du duo al-Ǧuwaynī - al-Rāzī, caractéristique de l’oeuvre d’al-Sanūsī.

1.2. Savants maghrébins :
 

C’est dans cette catégorie que la différence avec al-Sanūsī est la plus frappante. Mis à part Abū Bakr Ibn al-ʿArabī, cité ici une seule fois86Abū Zakariyyā, Anwār, f°15r, l-17. et qu’al-Sanūsī cité également, tous les savants maghrébins mentionnés dans le texte ne le sont jamais par al-Sanūsī :

  • al-Salālǧī (Abū ʿAmr Uṯmān)87Sur la vie et l’oeuvre d’al-Salalǧī, voir: Baḫtī, Al-Salalǧī wa-maḏhabiyyatuh al-ašʿariyya, pp. 40-60. Voir également : Thiele, « Facing the Mahdī’s True Belief », pp. 96-112.: Il s’agit d’un théologien marocain né à Fès en 521/1127. Il fit d’abord ses classes à l’Université al-Qarāwiyyīn, puis y devint enseignant. Il fut surnommé Imām ahl al Maġrib fī l-iʿtiqād. Al-Salālǧī meurt à Fès en 594/1197. Son unique ouvrage est un traité de théologie, appelé al-Burhāniyya, qui est en fait un résumé du traité al-Iršād d’al-Ǧuwaynī (478/1085), ouvrage de référence mais réputé difficilement abordable par les non-initiés.

  • Abū Bakr al-Ḫaffāf88al-Awsī, al-Dayl wa-l-takmila, tome 3, p. 550. Voir aussi al-Ḫaffāf, Aǧwiba, pp. 20-28.: Muḥammad ibn Aḥmad, Abū Bakr al-Ḫaffāf, al-Išbīlī est un théologien et linguiste originaire de Séville. Nous savons très peu de choses sur lui, si ce n’est que la plupart de ses maitres sont originaires de Séville, citons parmi eux le grammairien al-Šalawbīn, mort l’année du siège de Séville par les Espagnols, en 645/1247. On estime que c’est à cette date qu’al-Ḫaffāf quitta Séville. Il s’installa à Taza (au Maroc actuel) où il se fit connaître pour son enseignement du kalām ašʿarite, pour lequel il fût très sollicité : il commenta entre autres la Burhāniyya. De toute son oeuvre, seules ses Aǧwiba fī ʿilm al-kalām (« Réponses dans la science du kalām ») ont récemment été éditées. Il meurt et est enterré à Taza, approximativement dans la deuxième moitié du VIIe/XIIIe siècle. Tawrātī suppose que l’essentiel de la production écrite d’al-Ḫaffāf s’est fait au Maghreb, après son exil de Séville89al-Ḫaffāf, Aǧwiba, p. 26..

  • Abū ʿImrān al-Ǧawrāʾī90C’est sous cette orthographe qu’il est le plus souvent cité, et non « al-Ǧarāwī » ce qui serait plus logique.: Il s’agit d’un autre savant ayant peu intéressé les chercheurs. Abū ʿImrān al-Ǧawrāʾī serait un juriste malékite et un théologien ašʿarite, né vers 590/1202, d’origine berbère, de Tadla ou du village de Ǧarāwa, qu’il aurait quitté pour Fès au début du VIIe/XIIIe siècle. Il y a connu la période cruciale de transition entre les dynasties almohade et mérinide. Il aurait laissé a priori deux traces écrites : un commentaire de la Mudawwana91La Mudawwana est la compilation faite par Saḥnūn b. Saʿīd (m. 240/854) rassemblant des fatāwā de Mālik b. Anas (m. 179/795) entendues par son disciple Ibn Qāsim (m. 190/806) ainsi que les avis propres à ce dernier. Considérée comme l’une des références du malékisme au Maghreb, ce livre a survécu à la campagne de censure almohade et est particulièrement populaire à Fès au VIIe/XIIIe siècle. Voir : Bousquet, « La Mudawwana» ; Brockopp, « Saḥnūn b. Saʿīd »., actuellement introuvable mais abondamment cité par les Malékites92Voir : al-Ḥaṭṭāb al-Raʿīnī, Mawāhib al-Ǧalīl, tome 1, p. 316., et une profession de foi appelée ʿAqīdat Abī ʿImrān al-Ǧawrāʾī93Voir : Amharar, « Abū ʿImrān al-Ǧawrāʾī », pp. 265-300 ; « Encore sur Abū ʿImrān al-Ǧawrāʾī » ; L’ašʿarisme à Fès des Almohades aux Mérinides..

  • al-Tabaḥrītī94Selon les copies, il est soit appelé « Abū Muḥammad », soit « Abū Mālik », ou enfin « Abū ʿAbd al-Wāḥid ».: On ne sait absolument rien sur ce savant, si ce n’est qu’il a écrit un commentaire de ʿAqīdat Abī ʿImrān al-Ǧawrāʾī lui-même intitulé Šarḥ ʿaqīdat al-muwaḥḥidīn95Il a plusieurs copies, dont une conservée à la British Library (OCAC 165) sous le nom de al-Tanǧīzitī, ce que nous pensons être une erreur: dans cette même copie, l’auteur se définit comme al-Matġarī al-Tabaḥrītī al-dār, ce qui laisse supposer qu’il serait originaire de Tabaḥrīt, petite ville côtière de l’Ouest algérien, peuplée justement par la tribu d’al-Matġara.. On peut supposer qu’il était originaire de Tabaḥrīt, petit village situé à l’actuelle frontière algéro-marocaine.

En lisant le texte, on sent une influence particulière d’Abū ʿImrān al-Ǧawrāʾī et d’al-Salālǧī. Si le commentateur ne les cite textuellement qu’une seule fois, au même titre que al-Ḫaffāf et al-Tabāhrītī, il reprend en revanche mot-à-mot des passages entiers de la ʿAqīdat Abī ʿImrān al-Ǧawrāʾī et de la Burhāniyya de Salālǧī, sans en citer les auteurs96Voir à titre d’exemple: Abū Zakariyyā, Anwār, f°2v, l 1-3..

Après examen des sources, on peut estimer que le commentateur n’a pas du tout les mêmes références qu’al-Sanūsī, dont l’œuvre a particulièrement été marquée par les travaux d’al-Ǧuwaynī ou d’al-Rāzī. Notre commentateur, lui, semble plutôt avoir été influencé par des savants maghrébins que al-Sanūsī ne cite jamais, dont deux n’ayant laissé aucune sinon très peu de traces dans la littérature biographique. Au-delà des simples références, et bien qu’il soit difficile de reconnaître la paternité d’un texte ašʿarite à son simple contenu, nous rappelons que celui-ci, que nous avons détaillé plus haut, ne met pas en avant la préoccupation que l’on retrouve pourtant dans tous les écrits d’al-Sanūsī, à savoir une forte insistance autour du danger du taqlīd en exposant : 1°) sa définition ; 2°) la divergence sur celle-ci ; 3°) le statut du muqallid ; 4°) les discussions sur celui-ci. Cette notion, sans être non plus passée sous silence, n’est pas abordée avec la même insistance qui caractérise les œuvres d’al-Sanūsī97Voir : Olson, « Beyond the Avicennian Turn », pp. 124-132..

2. Erreur dans l’analyse grammaticale (iʿrāb)
 

Le texte présente en son corps une analyse grammaticale fausse. Il ne s’agit pas d’une coquille ou erreur de vocalisation imputable au copiste, mais bien d’une analyse grammaticale (iʿrāb) contraire aux règles de grammaire classique. Une telle erreur peut difficilement être imputée à un grammairien reconnu comme al-Sanūsī. Ainsi, comme d’autres commentateurs de la Muršida, l’auteur de notre commentaire se prête à une analyse grammaticale de la première phrase du traité :

yaǧibu ʿalā kull mukallaf an yaʿlama anna llāh ʿazza wa-ǧalla wāḥid fī mulkihi

(« Il est un devoir pour la personne responsable de savoir que Dieu - exalté soit-il - est unique dans Sa souveraineté »).

L’auteur analyse la proposition an yaʿlama comme suit98Abū Zakariyyā, Anwār, f°2v, l-16.:

Hiya wa-ǧumlatuhā fī mawḍiʿ naṣb mafʿūl ṯānin

(« Elle [la particule an] et sa phrase sont au cas direct du complément d’objet second »).

Or, si effectivement an et le verbe qui la suit peuvent être interprétés comme un nom d’action (maṣdar), sa fonction n’est certainement pas complément d’objet direct, mais bien sujet du verbe yaǧibu. C’est d’ailleurs cette analyse qui est retenue par d’autres commentateurs de la Muršida99Voir le folio 64v du commentaire d’al-Šaybānī al-Ṭarābulsī (milieu du VIIIe/XIVe siècle) conservé à la Bnf (5296, f63), disponible en ligne sur le portail Gallica. Abū ʿAbd Allāh al-Šaybānī al-Ṭarābulsī (milieu du VIIIe/XIVe siècle), Šarḥ al-Muršida, f° 63.. En confondant sujet et complément d’objet direct, le commentateur a commis une erreur de débutant qu’on ne pourrait attribuer à un grammairien comme al-Sanūsī.

3. Invalidation de la « thèse de l’achèvement »
 

Rappelons que, pour résoudre le problème lié à l’attribution du commentaire à un certain Abū Zakariyyā Yaḥyā, Ġurāb avait proposé la thèse suivante : al-Sanūsī a commencé le commentaire, et Abū Zakariyyā Yaḥyā, qui devait donc être son disciple, l’aurait achevé.

Pour affirmer ses dires, il les appuyait par cette phrase du texte100Abū Zakariyyā, Anwār, f° 23r, l-20.:

Wa-laqad aḥsana baʿḍ aṣḥābinā bi-takmīl hāḏā al-muḫtaṣar wa-ḏālika annī waqaftu ʿalā qawlī: « wa-l-anbiyāʾ maʿṣūmūn » li-safar šaġalanī ʿan takmīlihi fī al-ḥāl fa-kataba mā naṣṣuhu : « min kull mā yattaṣifu bihi al-bašar min naqṣ ḏāt aw ṣifa aw fiʿl »

(« Un de nos compagnons a certes bien agi en continuant ce résumé. En effet, je me suis arrêté à la phrase : Les prophètes sont préservés [...], à cause d’un voyage qui m’a empêché de la finir aussitôt. Il [mon disciple] a alors écrit après cela: [...] de tout défaut dans l’être, dans les attributs, ou dans les actes qui caractérise l’être humain [qui n’est pas prophète] ».)

L’auteur de notre commentaire a donc commencé la phrase wa-l-anbiyāʾ maʿṣūmūn, puis est parti en voyage, et son disciple l’a complétée par min kull mā yattaṣifu bihi al-bašar min naqṣ ḏāt aw ṣifa aw fiʿl. Cela voudrait dire qu’en principe, le texte final, en recollant les deux morceaux, devrait être :

Wa-l-anbiyāʾ maʿṣūmūn min kull mā yattaṣifu bihi al-bašar min naqṣ ḏāt aw ṣifa aw fiʿl.

(« Les prophètes sont préservés de tout défaut dans l’être, dans les attributs, ou dans les actes qui caractérise l’être humain [qui n’est pas prophète] ».)

Or, ce n’est pas le cas. Voici la phrase dans le texte :

Wa-l-anbiyāʾ maʿṣūmūn ʿammā yunāqiḍu madlūl al-muʿǧiza ʿaqlan wa-ʿammā siwā ḏālik min al-kabāʾir iǧmāʿan

(« Les Prophètes sont préservés de tout ce qui est contraire à ce qu’indique le miracle, d’un point de vue rationnel et de tout ce qui est en-deçà, par consensus, comme grands péchés ».)

En d’autres termes : le commentateur, de retour de voyage, a vu sa phrase complétée par son disciple, l’a appréciée (laqad aḥsana), mais ne l’a pas retenue puisqu’il lui a préférée la phrase ci-dessus. Il n’y a donc pas eu d’achèvement. Le texte semble donc bel et bien avoir un auteur unique, à savoir ce fameux Abū Zakariyyā Yaḥyā. Quoi qu’il en soit, on ne trouve pas, dans la liste des 17 disciples d’al-Sanūsī établie par al-Timbuktī101Tinbuktī, Nayl al-ibtihāǧ, p. 572. et élargie par Daḫḫān102Voir note 17., de nom se rapprochant de celui d’Abū Zakariyyā Yaḥyā.

Ainsi, après examen des dictionnaires biographiques et des éléments de critique interne, il nous apparaît évident que ce texte n’a pas été écrit par al-Sanūsī. Une fois ceci admis, il nous reste à savoir qui en est l’auteur.

Tentatives d’identification

 

Toutes les copies que nous avons consultées ont en commun qu’elles sont attribuées à un certain Abū Zakariyyā Yaḥyā b. al-šayḫ al-mudarris Abī Ḥafṣ ʿUmar b. Abī Bakr. La suite de cette chaîne onomastique varie selon les versions, on en trouve en effet cinq versions différentes :

  1. Tanger, ʿAbd Allāh Gannūn 10261 : al-mašhūr bi-l-Tanasī ṯumma al-Hutaynī.

  2. Tunis, Bibliothèque Nationale Tunisienne : al-Maġrāwī al-mašhūr bi-l-Sabtī ṯumma al-Hintātī.

  3. Meknès, Complexe culturel 333 et Bulac ARA.216 : al-Tanasī al-Hunaynī.

  4. Dubaï, Ǧumʿa al-Māǧid 798 : al-Maġrāwī al-mašhūr bi-l-Tanasī ṯumma al-Maʿdānī.

Deux hypothèses nous apparaissent possibles.

Première hypothèse : Abū Zakariyyā Yaḥyā b. al-šayḫ al-mudarris Abī Ḥafṣ ʿUmar b. Abī Bakr al-Hintātī

 

Évidemment, en lisant « Abū Ḥafṣ ʿUmar al-Hintātī », on pense tout de suite à l’un des principaux compagnons d’Ibn Tūmart, et l’un des plus importants soutiens de son successeur au trône almohade, ʿAbd al-Muʾmin. Le petit fils d’Abū Ḥafṣ, qui, en 634/1236-37, s’affranchira de l’autorité de ʿAbd al-Muʾmin et fondera la dynastie des Ḥafṣides, n’est autre que... l’émir Abū Zakariyyā Yaḥyā b. ʿAbd al-Wāḥid103Fromherz, « Abū Ḥafṣ ʿUmar al-Hintātī », EI 3 ..

Deux problèmes se posent : nos manuscrits font état d’une parenté directe entre Yaḥyā et Abū Ḥafṣ, et le compagnon d’Ibn Tūmart est Abū Ḥafṣ ʿUmar b. Yaḥyā, alors que le nôtre est Abū Ḥafṣ ʿUmar b. Abī Bakr. En cherchant dans la dynastie ḥafṣīde, on trouve effectivement un Abū Ḥafṣ ʿUmar b. Abī Bakr. Dans son ouvrage sur la dynastie éponyme, Brunschvig en donne des éléments intéressants que nous synthétiserons ici104Brunschvig, La Berbérie orientale, tome I, pp. 163-166. Voir aussi: Ibn Qunfuḏ, al-Fārisiyya, p. 168.. Son père était donc Abū Bakr, l’un des derniers chefs d’une dynastie ḥafside périclitante, résistant de moins en moins à l’expansion fulgurante d’un empire mérinide voisin, gouverné par Abū l-Ḥasan et dont l’ambition était, depuis Tlemcen leur capitale, d’exercer un contrôle total sur le Maghreb. Conscient qu’une invasion mérinide n’était qu’une question de temps, le chef ḥafṣīde maria deux de ses filles à Abū l-Ḥasan (Fāṭima puis ʿAzzūna), et lorsque Abū Bakr fait reconnaître, en 742/1342, son fils Abū l-ʿAbbās Aḥmad comme héritier du trône, il fait approuver par écrit le souverain de Tlemcen. À la mort de Abū Bakr, en 747/1346, ses fils se disputent la succession au trône, malgré les indications claires du défunt père. Au terme d’une lutte fratricide, Abū Ḥafṣ ʿUmar parvient à se proclamer sultan et prend le contrôle de Tunis, capitale ḥafṣide. Pour le chef mérinide Abū l-Ḥasan, le moment est venu et le prétexte tout trouvé pour enfin entrer à Tunis : c’est en tant que garant de l’acte de succession au trône de Tunis mais également beau-frère des victimes qu’Abū l-Ḥasan entendait châtier celui qu’il voyait comme un usurpateur. Dès 748/1347, Abū l-Ḥasan quitte Tlemcen et part à la tête d’une armée vers Tunis. Tandis que les soutiens d’Abū Ḥafṣ se rendent un à un aux Mérinides, ce dernier quitta Tunis vers le sud. La même année, il est fait prisonnier, non loin de Gabès, et est exécuté. Quelques semaines plus tard, Abū l-Ḥasan marchait victorieux à Tunis.

En l’absence malheureuse de la moindre information concernant la descendance d’Abū Ḥafṣ, nous pouvons nous permettre quelques remarques. Si notre Yaḥyā était bien le fils d’Abū Ḥafṣ, il serait donc non seulement le fils d’un émir ḥafṣide, mais également, via ʿAzzūna, le neveu de la femme d’Abū l-Ḥasan, ce qui peut laisser présumer qu’il jouissait d’un respect et d’un égard particulier, tant chez les Ḥafṣides que les Mérinides. On ignore si Abū Ḥafṣ était cultivé, mais on peut sans trop de risques supposer qu’il était un homme de science (al-šayḫ al-mudarris). On connaît de toute façon le fort intérêt qu’avait Abū l-Ḥasan pour les sciences religieuses, lui qui veillait à s’entourer de savants105À l’exemple d’Ibn Marzūq (vivant en 918/1512), qui lui consacra un ouvrage panégyrique : al-Musnad al-Ṣaḥīḥ al-Ḥasan fī maʾāṯir wa-maḥāsin Mawlānā Abī l-Ḥasan, signalé par Lévi-Provencal en 1925 et édité en 1981 par María Jesus Viguera en Algérie pour le compte de la Maktaba al-Waṭaniyya al-Ǧazāʾiriyya. et accorda un point d’honneur à la construction d’écoles.

Rappelons enfin que l’écriture de ce commentaire n’est pas spontanée mais qu’il s’agit d’une commande faite par un destinataire non-identifié dans le texte, comme l’indique la toute première phrase consécutive à l’eulogie :

fa-innaka saʾaltanī an uqayyida laka…

(« Tu m’as certes demandé de te consigner … »)

On peut imaginer, sans être rigoureusement capable de le prouver, qu’Abū Zakaria Yaḥyā était un savant ayant vécu durant le VIIIe/XIVe siècle, qu’Abu l-Ḥasan a gardé sous son aile, étant donné son lien de parenté avec son épouse, et qu’en tant que savant, il rédigea, à la demande du chef mérinide106Rappelons que notre texte n’est pas spontané mais rédigé à la demande d’un tiers., notre commentaire de la Muršida. L’absence dans notre texte de toute marque honorifique évoquant ce souverain, comme il en est pourtant l’usage lors de commandes officielles de ce genre, nous empêche d’adhérer pleinement à cette hypothèse. Cependant, il ne serait pas invraisemblable de supposer qu’à défaut d’être une commande officielle, ce texte pourrait tout à fait être une commande « familiale », exécutée par Abū Zakaria pour Abū al-Ḥasan appréhendé non pas en tant que souverain mais plutôt comme le simple mari de sa tante. Au vu des références maghrébines renvoyant toutes à une zone géographique commune107Tabaḥrīt et Ǧarāwa, dont semblent être originaires deux auteurs cités dans le texte, sont toutes deux dans la zone située entre Fès et Tlemcen., on peut imaginer qu’il ait vécu chez sa tante à Tlemcen.

Ce qui renforce cette hypothèse, c’est que Tlemcen connait effectivement une activité scientifique importante autour de la Muršida au VIIIe siècle108Parmi les textes produits à Tlemcen à cette époque, on trouve une versification du traité datant de 742/1342, et un autre commentaire de la Muršida, écrit par un savant méconnu, Ibn al-Naqqāš al-Umawī. On peut également supposer que le commentaire écrit par Ibn ʿAbbād (m. 791/1391) l’ait été durant son passage à Tlemcen..

Si ce texte a effectivement été écrit sur ordre du chef mérinide, ceci expliquerait peut-être son succès : on en trouve des copies dans toute l’Afrique du Nord, même subsaharienne.

Seconde hypothèse : Abū Zakariyyā Yaḥyā al-Hunaynī

 

Dans les copies Meknès 333 et Paris Bulac ARA. 216, le texte est attribué à Yaḥyā al-Tanasī al-Hunaynī. Dans son récit de voyage109Al-Qalaṣādī, Riḥlat al-Qalaṣādī, p. 111., al-Qalaṣādī (810/1407) dit avoir rencontré à Oran en 848/1347 un juriste (faqīh) du nom de Yaḥyā al-Hunaynī. C’est la seule et unique source que nous avons pu consulter citant un savant nommé Yaḥyā Hunaynī110Dans son Nayl al-Ibtihāǧ, Timbuktī reprend mot à mot cette phrase de Qalaṣādī. Tinbuktī, Nayl al-ibtihāǧ, p. 358.. Aucune information n’est donnée sur lui : ni son œuvre, ni ses enseignants ou disciples, ni son enseignement. Reste à savoir s’il s’agit de notre auteur.

Au vu du double vocable de sa nisba, on peut supposer que notre commentateur de la Muršida était originaire de Tanas, qu’il a quittée pour Hunayn, soit deux villes portuaires algériennes relativement proches l’une de l’autre, dont la construction remonte à l’Antiquité. Au cours des siècles de l’ère islamique, Tanas111Voir Bencheneb, « Tanas », EI 2 . connut successivement une présence idrisside, aġlabide, fāṭimide puis almoravide; Yūsuf b. Tāšfīn y entre en 473/1080 et la prend à la tribu berbère des Maġrāwa. Mandīl b. ʿAbd al-Raḥmān al-Maġrāwī, vassal des Ḥafṣīdes, la récupère dès le VIIe/XIIIe siècle. Tanas est alors un important centre intellectuel qui accueille de nombreux savants112Bencheneb, « Tanas », EI 2 . Bencheneb y en cite quelques-uns. Notre auteur n’y figure pas. dont le sultan et futur fondateur de la dynastie des ʿAbd al-Wādides Yaġmurāsan b. Zayyān. En 688/1289, le fils de ce dernier, Abū Saʿīd, prend Tanas aux Maġrāwa, qui la récupèrent en 752/1351. Tout le long du VIIe-VIIIe/ XIIIe-XIVe siècle, Tanas demeure donc le théâtre d’affrontements entre les Mérinides et les ʿAbd al-Wādides.

Ces troubles auraient donc poussé l’auteur à quitter Tanas pour Hunayn113Sur l’histoire de la ville voir : Marçais, « Honaïn », EI., ville hautement symbolique chez les Almohades, puisqu’elle est le lieu de naissance de ʿAbd al-Muʾmin, disciple d’Ibn Tūmart et fondateur de l’empire. La ville, elle aussi connue depuis l’Antiquité, connut sous l’Islam une évolution singulière au gré des siècles114Sur l’évolution de Hunayn, de l’Antiquité aux Zayyānides, voir : Khelifa, « L’urbanisation des Traras », pp. 323-339., passant d’abord de citadelle (ḥiṣn) sur un promontoire rocheux du temps des Idrissides, avant de s’agrandir et s’entourer d’une muraille sous les Almoravides, faisant d’elle un centre urbain important dans la route de l’or, pour enfin acquérir, de la période almohade (fin du XIIe siècle) à la fin de la période zayyānide (XVIe siècle), une notoriété au niveau du bassin méditerranéen en tant que port officiel du royaume de Tlemcen. La cité se dote alors d’édifices publics : mosquée cathédrale, bains etc.

La place de Hunayn est stratégique : à deux jours de navigation d’Alméria, alors l’une des plus riches villes d’Andalousie, elle est également le point de départ de la route de l’or, qui passait par Tlemcen, Tafilalet et pour aboutir aux villes d’Afrique Subsahariennes telles Tombouctou. Cette place stratégique dont jouit Hunayn, elle la partage avec un certain nombre de centres urbains concurrents, tels Oujda ou Ǧarāwa. Dans son chapitre sur le littoral du royaume de Tlemcen, l’explorateur al-Bakrī (487/1094) évoquait déjà que la route des caravanes venant d’Orient vers Siǧilmāssa passait par Hunayn, puis, toujours en longeant le littoral, la ville portuaire de Tabaḥrīt, et enfin, non loin dans les terres, la petite ville de Ǧarāwa115Bakrī, al-Muġrib, p. 168.. Ces trois villes de taille moyenne sont relativement proches l’une de l’autre et en forte interaction commerciale. Sans surprise, Hunayn suscite les convoitises des empires voisins, à l’image des Mérinides qui l’assiègent en 698/1320. En 736/1335, Abū l-Ḥasan, chef mérinide, s’en empare : il y fait reconstruire les murailles de la ville et y bâtit une mosquée. Avec le déclin almohade puis mérinide, Hunayn perd progressivement sa superbe, devenant un nid de pirates. En 1531, elle est prise par les Espagnols.

Malheureusement, nous n’avons pu consulter aucune source sur la vie culturelle et scientifique de Hunayn. Cependant, il n’est pas difficile d’imaginer qu’un étudiant de Hunayn, relative périphérie de Tlemcen, fasse régulièrement le trajet vers la capitale pour profiter des enseignements dispensés dans les mosquées et écoles.

Ces informations sur Hunayn font apparaître deux autres villes dont semblent être originaires deux savants cités dans notre texte : Tabaḥrīt (Abū Mālik al-Tabaḥrītī) et Ǧarāwa (Abū ʿImrān). Ces trois villes, nous l’avons dit, connaissaient une forte interaction commerciale : on peut penser que celle-ci s’accompagnait d’une interaction scientifique, ce qui rend l’attribution de notre texte à Yaḥyā al-Hunaynī très vraisemblable d’autant que l’auteur est qualifié dans certains manuscrits par « al-Maġrāwī » c’est à dire appartenant à la tribu berbère des Maġrāwa. Or, nous avons vu que cette tribu se partageait effectivement le paysage orano-tlemcénien avec des tribus zénètes, tels les Maṭġara, dont est originaire al-Tabaḥrītī.

Ainsi, si notre commentateur est bien Abū Zakariyyā Yaḥyā al-Hunaynī, il s’agirait d’un savant ašʿarite à popularité strictement restreinte à la région de Tlemcen, comme laissent l’entendre le mutisme des dictionnaires biographiques ainsi que des références à des savants locaux complètement méconnus (comme Tabaḥrītī). Ceci est paradoxal, au regard de la massive diffusion du texte, à moins de supposer que celle-ci ait été postérieure. Quant à son époque, il appartiendrait, au plus tôt, à la période de transition ḥafṣīde-mérinide (VII-VIIIe/XIII-XIVe siècle), et au plus tard, à la période zayyānide (IXe siècle), et serait donc le fameux Yaḥyā Hunaynī que Qalaṣādī rencontra à Oran en 848/1347 et le qualifia de faqīh ṣadr (« savant éminent »). Il est à noter qu’al-Qalaṣādī figure parmi les maîtres d’al-Sanūsī, et que ce dernier n’avait en 848 que dix ou onze ans116Dans l’introduction de son édition critique du Šarḥ al-Muḫtaṣar fī l-manṭiq d’al-Sanūsī, ʿAlliwān discute l’affirmation de Timbuktī selon laquelle al-Sanūsī serait né en 832, et la situe entre 838 et 839. Voir ʿAlliwān, Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī, p. 48. soit une dizaine d’année avant l’écriture de son premier livre. Ainsi, même selon la supposition la plus tardive, Yaḥyā al-Hunaynī resterait un savant d’une génération antérieure à celle d’al-Sanūsī, celle de ses maîtres.

Conclusion

 

En nous appuyant sur le peu d’éléments disponibles, à savoir des données biographiques ou de critique interne et externe, cet article aura montré, nous l’espérons efficacement, que ce commentaire n’a pas la place que les chercheurs, influencés par Ġurāb, lui ont jusqu’à présent donnée, à savoir celle d’une rencontre « hors du temps » de deux figures de premier plan dans l’ašʿarisme maghrébin : Ibn Tūmart, comme auteur présumé de la Muršida, et al-Sanūsī, comme commentateur. Du reste, cette déconstruction couplée à notre incapacité à identifier clairement l’auteur ne fait pas de ce commentaire un texte dénué d’intérêt. D’abord, car notre texte fait partie des plus anciens commentaires disponibles de la Muršida, et nous permet de montrer une certaine continuité de cette longue tradition de šurūḥ autour dudit texte du VIIe/XIIIe au IXe/XVe siècle: il est soit contemporain ou légèrement postérieur à celui d’al-Sakūnī117Thiele, « Ashʿarism in the Ḥafṣid Era », p. 304. et antérieur à celui d’al-Zarrūq. Ensuite parce que l’étude de ses références nous a fait découvrir un faisceau de théologiens appartenant à la période de transition ḥafṣīde-mérinide (VII-VIIIe/XIII-XIVe siècle) reclus dans des bourgades et faubourgs jalonnant la zone entre Fès118Pour ce qui est de la ʿaqīda d’Abū ʿImrān, voir récemment : Amharar, L’ašʿarisme à Fès. et Tlemcen et dont on ne connaissait jusque-là quasiment rien, alors même que les très nombreuses copies de leur texte témoignent d’une forte notoriété passée, laissant croire que cette zone était donc très certainement un important pôle scientifique en matière de kalām. Pourtant, le rôle de « revivificateur » conféré par l’hagiographie à al-Sanūsī ainsi que le monopole de ses ʿAqāʾid peuvent facilement laisser penser que l’activité locale qui précéda son époque en matière de kalām était proche du point mort. Une connaissance plus précise de l’activité scientifique et la production manuscrite dans des localités comme Ǧarāwa, Tabaḥrīt, Tanas ou Hunayn nous permettrait donc d’en savoir plus sur ce pôle en question, et plus particulièrement sur notre auteur et les circonstances de la diffusion de son texte. De plus amples études de ce dynamisme de l’ašʿarisme maghrébin bien antérieur à al-Sanūsī permettraient, tout en reconnaissant l’originalité de la pensée de ce dernier et sans pour autant le réduire à un simple vulgarisateur, de reconsidérer son rôle comme étant un continuateur plutôt qu’un réformateur et, dès lors, de réévaluer sa place dans ce continuum, ce qui tendrait, de façon plus générale, à donner à l’histoire de l’ašʿarisme au Maghreb une reconfiguration importante.

Notas

 
1

Cette théorie a d’abord été argumentée par Ġurāb : voir Ġurāb, « Muršidat Ibn TūmartĠurāb, Saʿīd, « Muršidat Ibn Tūmart wa-aṯaruha fī t-tafkīr al-maġribī », Les Cahiers de Tunisie, 26, 103-104 (1978), pp. 107-137. », pp. 107-137. Elle a ensuite été reprise par l’azharite Naǧǧār dans sa thèse publiée trois ans plus tard sur Ibn Tūmart : Naǧǧār, al-Mahdī b. TūmartNaǧǧār, ʿAbd al-Maǧīd, al-Mahdī b. Tūmart, ḥayātuhu wa-ārāʾuhu, wa- ǧihāduh al-fikrī Beyrouth, Dār al-Ġarb al-ʿIslāmī, 1983., p. 447. Depuis, elle a été relayée par Zahrī et Baḫtī. Voir entre autres : Baḫtī, al-Salālǧī wa-maḏhabiyyatuh al-ašʿariyyaAl-Baḫtī, Ǧamāl ʿAllāl, al-Salālǧī wa-madhabiyyatuhu al-ašʿariyya, Rabat, Imprimerie du ministère des Affaires Religieuses, 2005., p. 104. Casassas ne remet pas non plus en question cette thèse : voir Casassas, « DifusiónCasassas Canals, Xavier, « Difusión de copias y traducciones de la ʿaqīda ‘al-Muršida’ de Ibn Tūmart entre los musulmanes españoles (ss. XV-XVII). Fijación del texto y materiales para su estudio », Al Irfan, 4 (2018), pp. 165-178. », p. 172.

2

Je tiens à remercier Hocine Benkheira, Jean Druel, Delfina Serrano, Jan Thiele et mes deux évaluateurs anonymes pour leur relecture critique et les corrections apportées. Les imperfections subsistantes sont bien sûr les miennes.

3

les plus anciennes sources, bien que pro-almohades: Ibn al-Qaṭṭān, Naẓm al-ǧumānIbn al-Qaṭṭān, Naẓm al-ǧumān, Maḥmūd ʿAlī Makkī (éd.), Beyrouth, Dār al-ġarb al-islāmī, 1990., pp. 14-18.

4

Thématiques non directement liées à notre sujet, nous n’aborderons pas dans cet article la figure d’Ibn Tūmart, ni sa vie ou son idéologie, pour lesquelles nous renvoyons directement aux travaux de Cressier, Fierro et Molina, Los almohadesCressier, Patrice, Fierro, Maribel et Molina, Luis, Los almohades : problemas y perspectivas, Madrid, CSIC, 2005, 2 tomes.. Voir plus récemment : Fierro, « El Mahdī Ibn TūmartFierro, Maribel, « El Mahdī Ibn Tūmart : más allá de la biografía ‘oficial’ », dans Miguel Ángel Manzano et Rachid el Hour (éd.), Política, sociedad y identidades en el Occidente Islámico (siglos XI-XIV), Salamanque, Ediciones Universidad Salamanca, 2016, pp. 73-98. », pp. 73-98.

5

La question de la rencontre réelle ou non entre Ibn Tūmart et al-Ġazālī a suscité, chez les savants avant les chercheurs, de nombreux débats. Dès le VIIe/XIIIe siècle déjà, ʿAbd al-Wāḥīd al-Marrākušī, savant et historien pourtant sympathique au régime almohade, met en doute cette rencontre. Ibn al-Aṯīr (m. 630/1233) se montre plus catégorique : Ibn Tūmart n’a jamais rencontré al-Ġazālī. Rien n’empêche véritablement qu’une telle rencontre ait pu avoir lieu, même s’il est difficile d’attester chronologiquement la présence des deux personnes au même endroit. Parmi les suppositions émises par les chercheurs, on peut citer celle avancée par Fletcher selon laquelle une telle rencontre ait pu avoir lieu à Alexandrie. Pour Griffel, « although Ibn Tūmart could not have met with al-Ġazālī, he should still be regarded as one of his students, albeit not an immediate one ». Pour une étude complète sur le sujet, voir Griffel, « Ibn Tūmart’s Rational Proof for God’s ExistenceGriffel, Frank, « Ibn Tūmart’s Rational Proof for God’s Existence and Unity, and His Connection to the Niẓāmiyya madrasa in Baghdad », dans Patrice Cressier, Maribel Fierro, et Luis Molina (éd.), Los Almohades : problemas y perspectivas, Madrid, CSIC - Casa de Velázquez, 2005, vol. 2, pp. 753-813. », pp. 753-756. Plus récemment, voir : Fierro, « El Mahdī Ibn TūmartFierro, Maribel, « El Mahdī Ibn Tūmart : más allá de la biografía ‘oficial’ », dans Miguel Ángel Manzano et Rachid el Hour (éd.), Política, sociedad y identidades en el Occidente Islámico (siglos XI-XIV), Salamanque, Ediciones Universidad Salamanca, 2016, pp. 73-98. », p. 87. Ben Hammadī et Urvoy, cités par Fierro, soutiennent l’idée d’une rencontre entre les deux.

6

Voir : Serrano Ruano, « ¿Por qué llamaron los almohades antropomorfistas a las almorávides? », pp. 815-852.

7

Voir son énoncé intégral en : Ibn Tūmart, Aʿazz mā yuṭlabIbn Tūmart, Aʿazz mā yuṭlab, J.D. Luciani (éd.), Alger, Imprimerie Pierre Fontana, 1903., pp. 241-242.

8

Avertissement : il est important de faire ici une distinction entre la Muršida spécifiquement et la doctrine almohade de façon plus globale, incluant des concepts (tels que la ʿiṣma de l’Imām etc.) totalement étrangers au crédo ašʿarite. Serrano a déjà montré que l’appartenance théologique d’Ibn Tūmart à l’ašʿarisme était loin d’être admise. Voir : Serrano, « Entre Almorávides y AlmohadesSerrano, Delfina, « Entre almorávides y almohades : el concepto de taklīf (responsabilidad individual) y la introducción del imperativo de razonar la fe en el ašʿarismo andalusí », dans Dolores Villalba Sola (éd.), Al-Muwahhidūn. El despertar del califato almohade, Parte I: Génesis, revolución y evolución del califato almohade, Granada, Patronato de la Alhambra y del Generalife, 2019, pp. 42-59. », p. 44. Du fait de son contenu, la Muršida est en totale conformité avec la doctrine ašʿarite y compris dans l’ontologie des attributs divins qui la caractérise. Il est certain que les Ašʿarites postérieurs à Ibn Tūmart ont vu en ce texte accessible et facile à mémoriser une « arme d’ašʿarisation massive » efficace, indépendamment de l’orientation de son auteur présumé. Cette idée est confirmée par le nombre de commentaires du texte dont les auteurs ne sont pas systématiquement des nostalgiques de l’almohadisme, mais qui considéraient que ce traité était en accord avec l’ašʿarisme. Pour le cas d’al-Sakūnī, voir : Thiele, « Ashʿarism in Ḥafṣid EraThiele, Jan, « Ashʿarism in the Ḥafṣid Era », dans Ayman Shihadeh et Jan Thiele (éd.), Philosophical Theology in Islam. Later Ashʿarism East and West, Leyde, Brill, 2020, pp. 298-336. », p. 304. Plus encore, ce texte, qui a traversé les siècles, devient même un « classique de l’orthodoxie sunnite » pour des ašʿarites plus tardifs tels Tāǧ al-Dīn al-Subkī (m. 771/1370), qui la cite au même titre d’autres professions de foi célèbres (telle la Ṭaḥāwiyya), et déclare dans ses Ṭabaqāt, après avoir énoncé intégralement la Muršida: laysa fīhā mā yunkiruh sunnī ») elle ne contient rien que ne puisse nier un sunnite(«. Voir : Subkī, Ṭabaqāt al-Šāfiʿiyya al-kubrāAl-Subkī, Tāǧ al-dīn, Ṭabaqāt al-Šāfiʿiyya al-kubrā, Le Caire, Maṭbaʿat al-Bābī al-Ḥalabī, 1964, tome 5., tome 5, pp. 69-70. Enfin, et c’est une hypothèse que je développe dans un ouvrage en cours de rédaction, la trajectoire de la Muršida en Orient laisse croire à une volonté des savants locaux qui l’ont favorablement accueillie (dès le VIe /XIIe siècle) de faire l’absolue dissociation entre ce texte et le personnage polémique qu’était Ibn Tūmart, dont le nom pouvait entacher un bon accueil de cette profession de foi efficace, ce qui a sans doute favorisé plusieurs erreurs d’attributions du texte dans cette région dont certaines sont encore d’actualité, puisque la Muršida est encore enseignée dans certaines écoles traditionnelles au Liban sous le titre de Risālat Ibn ʿAsākir. Tout ceci participe donc de l’idée que la Muršida est dans tous les cas ce que nous appelons un texte « ašʿarite par adoption ». Voir : Amharar, « La Muršida au Moyen-OrientAmharar, Ilyass, « La Muršida au Moyen-Orient : d’une confusion à une découverte », Les Carnets de l’Ifpo. La recherche en train de se faire à l’Institut français du Proche-Orient, [en ligne], disponible sur : https://ifpo.hypotheses.org/12019, [consulté le 13 septembre 2022]. ».

9

Nous ne voulons nullement insinuer ici que l’ašʿarisme n’a existé au Maghreb que via les Almohades. Bien au contraire, la fatwā favorable à l’ašʿarisme qu’écrit Ibn Rušd al-Ǧadd au souverain almoravide Yūsuf b. Tāšafīn, mais également les traités de kalām de Murādī ou du Qāḍī Ibn al-ʿArabī prouvent l’implantation de cette école de kalām chez les Almoravides déjà. Cependant, n’ayant pas trouvé de décret almoravide officiel imposant à la population le crédo ašʿarite, le décret de ʿAbd al-Muʾmin semble à notre connaissance le document officiel le plus ancien. Sur l’ašʿarisme chez les Almoravides, voir: Serrano, « La diffusion de l’ašʿarismeSerrano, Delfina, « La diffusion de l’ašʿarisme et la réforme du crédo malikite à l’époque almoravide : Ibn Rušd al-Ǧadd, Abū Bakr Ibn al-ʿArabī et le qāḍī ʿIyāḍ », dans Cyrille Aillet et Bulle Tuil Leonetti (éd.), Dynamiques religieuses et territoires du sacré au Maghreb médiéval : éléments d’enquête, Madrid, CSIC, 2015, pp. 79-102.,« pp. 79-102» ; Later Ashʿarism in the Islamic WestSerrano, Delfina, « Later Ashʿarism in the Islamic West », dans Sabine Schmidtke (éd.), The Oxford Handbook of Islamic Theology, Oxford, Oxford University Press, 2016, pp. 515-533., « pp. 515-533.

10

C’est ʿAbd al-Muʾmin, fidèle disciple d’Ibn Tūmart et son successeur au trône almohade, qui imposera ce décret. Bayḏaq, Aḫbār al-Mahdī b. TūmartAl-Bayḏaq, Abū Bakr b. ʿAlī, Aḫbār al-Mahdī b. Tūmart, Rabat, Dār al-Manṣūr, 1971., p. 404. Pour une étude critique de cette source, voir : Fierro, « El Mahdī Ibn TūmartFierro, Maribel, « El Mahdī Ibn Tūmart : más allá de la biografía ‘oficial’ », dans Miguel Ángel Manzano et Rachid el Hour (éd.), Política, sociedad y identidades en el Occidente Islámico (siglos XI-XIV), Salamanque, Ediciones Universidad Salamanca, 2016, pp. 73-98. », p. 82.

11

Par ce terme, Ibn Tūmart désignait ses élèves confirmés, chargés de transmettre ses enseignements aux tribus (Fierro, « The Religious PolicyFierro, Maribel, « The Religious Policy of the Almohads », dans Sabine Schmidtke (éd.), The Oxford Handbook od Islamic Theology, Oxford, Oxford University Press, 2016, pp. 679-692. », pp. 679-680). Les ṭalaba représentent la nouvelle élite formée par le califat almohade et dépendante de ces derniers du point de vue de la subsistance. Fricaud, « Les talaba dans la société almohadeFricaud, Emile, « Les ṭalaba dans la société almohade (le temps d’Averroès) », Al-Qanṭara, 18, 2 (1997), pp. 331-338. », pp. 331-338 (1997).

12

Ibn Abī Zarʿ, al-Anīs al-muṭribIbn Abī Zarʿ, ʿAlī, al-Anīs al-muṭrib bi-rawḍ al-qirṭās fī aḫbār mulūk al-Maġrib wa-tārīḫ madīnat Fās, C. J. Tornberg (éd.), Uppsala, Éditions de l’université, 1843., p. 41.

13

Goldziher, « Die BekenntnissformelnGoldziher, Ignaz, « Die Bekenntnissformeln der Almohaden », Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft, 44 (1890), pp. 168-171. », pp. 168-171.

14

Ibn Tūmart, Aʿazz mā yuṭlabIbn Tūmart, Aʿazz mā yuṭlab, J.D. Luciani (éd.), Alger, Imprimerie Pierre Fontana, 1903..

15

Longás, La vida religiosa de los moriscos.

16

Massé, « La profession de foiMassé, Henri, « La profession de foi (ʿaqīda) et les guides spirituels (morchida) du Mahdi Ibn Toumart », Mémorial Henri Basset. Nouvelles études nord-africaines et orientales, Paris, Geuthner, 1928, vol. 2, pp. 106-121. », pp. 106-121.

17

Alverny, et Vajda, « Marc de TolèdeAlverny, Marie Thérèse, et Vajda, Georges, « Marc de Tolède traducteur d’Ibn Tūmart. III-Les Textes », Al-Andalus, 16 (1951), pp. 259-307. », pp. 259-307.

18

Harvey, Literary CultureHarvey, Leonard, Literary Culture of the Moriscos 1492-1609. A Study based on the extant Manuscripts in Arabic and Aljamía, PhD Thesis, University of Oxford, 1958..

19

Laoust, « Une fetwa d’Ibn TaimiyaLaoust, Henri, « Une fetwa d’Ibn Taimiya sur Ibn Tūmart », Bulletin de l’Institut Français d’Archéologie Orientale, 59 (1960), pp. 157-184. », pp. 157-184.

20

Urvoy, « La pensée d’Ibn TūmartUrvoy, Dominique, « La pensée d’Ibn Tūmart », Bulletin d’études orientales, 27 (1974), pp. 19-44. », pp. 19-44.

21

Ġurāb, « Muršidat Ibn TūmartĠurāb, Saʿīd, « Muršidat Ibn Tūmart wa-aṯaruha fī t-tafkīr al-maġribī », Les Cahiers de Tunisie, 26, 103-104 (1978), pp. 107-137. », pp. 107-137.

22

al-Naǧǧār, al-Mahdī b. TūmartNaǧǧār, ʿAbd al-Maǧīd, al-Mahdī b. Tūmart, ḥayātuhu wa-ārāʾuhu, wa- ǧihāduh al-fikrī Beyrouth, Dār al-Ġarb al-ʿIslāmī, 1983., p. 447.

23

Wiegers, Islamic Literature in Spanish and AljamiadoWiegers, G., Islamic literature in Spanish and aljamiado. Yça of Segovia (fl. 1450), his antecedents and successors, Leyde, Brill, 1994..

24

De Ayala, Ibn Tūmart, El arzobispo Jiménez de Rada y la «Cuestión sobre Dios »De Ayala, Carlos, Ibn Tūmart, el arzobispo Jiménez de Rada y la « Cuestión sobre Dios », Madrid, La Ergastula, 2017..

25

Casasas, »DifusiónCasassas Canals, Xavier, « Difusión de copias y traducciones de la ʿaqīda ‘al-Muršida’ de Ibn Tūmart entre los musulmanes españoles (ss. XV-XVII). Fijación del texto y materiales para su estudio », Al Irfan, 4 (2018), pp. 165-178.,« pp. 165-178.

26

Qurʾān, (2: 255).

27

Qurʾān, (42:11).

28

Casassas, « DifusiónCasassas Canals, Xavier, « Difusión de copias y traducciones de la ʿaqīda ‘al-Muršida’ de Ibn Tūmart entre los musulmanes españoles (ss. XV-XVII). Fijación del texto y materiales para su estudio », Al Irfan, 4 (2018), pp. 165-178. », p. 171.

29

La Muršida ayant plusieurs versions, celle que nous proposons (voir annexe) est celle adoptée par l’auteur de notre commentaire. Cette version est la même que celle choisie par Ġurāb, à l’exception de la phrase 14, qui y est absente.

30

Ġurāb, Muršidat Ibn TūmartĠurāb, Saʿīd, « Muršidat Ibn Tūmart wa-aṯaruha fī t-tafkīr al-maġribī », Les Cahiers de Tunisie, 26, 103-104 (1978), pp. 107-137., p. 119.

31

Maqrīzī, al-Mawāʿiẓ wa-l-iʿtibārAl-Maqrīzī, Taqī l-dīn, al-Mawāʿiẓ wa-l-iʿtibār, Beyrouth, Dār al-kutub al-ʿilmiyya, 1997.. À propos de la récitation de la Muršida au Caire ayyoubide, voir également : Madelung, « The Spread of MaturidismMadelung, Wilferd, « The Spread of Maturidism and the Turks », Actas do IV Congresso de Estudos Arabes e Islâmicos, Coimbra-Lisboa 1968, Leyde, Brill, 1971, pp. 109-168. », p. 157. Je remercie Jan Thiele de m’avoir indiqué cette source.

32

Exception faite d’Iḥnana, qui a édité en 1993 le commentaire d’al-Sakūnī (717/1317) mais a laissé de nombreuses questions sans réponses, ne serait-ce que sur l’identité de son auteur. Sakūnī, Šarḥ Muršidat Ibn TūmartAl-Sakūnī, Abū ʿAlī ʿUmar, Šarḥ Muršidat Ibn Tūmart, Yūsuf Iḥnānā (éd.), Beyrouth, Dār al-Ġarb al-Islāmī, 1993.. Jan Thiele s’est récemment intéressé à ce texte. Voir : Thiele, « Ashʿarism in the Ḥafṣid EraThiele, Jan, « Ashʿarism in the Ḥafṣid Era », dans Ayman Shihadeh et Jan Thiele (éd.), Philosophical Theology in Islam. Later Ashʿarism East and West, Leyde, Brill, 2020, pp. 298-336. », p. 304. D’autres chercheurs ont fait allusion à un commentaire de la Muršida sans forcément en proposer une étude approfondie, comme Ben Chrifa et Urvoy qui ont évoqué l’existence supposée d’un commentaire de la Muršida écrit par Averroès.

33

Vajda, « Manuscrits arabesVajda, Georges, « Manuscrits arabes de la Bibliothèque nationale », Revue des Études Islamiques, 17 (1948), pp. 91-94. », pp. 91-94.

34

Ġurāb, « Muršidat Ibn TūmartĠurāb, Saʿīd, « Muršidat Ibn Tūmart wa-aṯaruha fī t-tafkīr al-maġribī », Les Cahiers de Tunisie, 26, 103-104 (1978), pp. 107-137. », p. 126.

35

Ibn Qunfuḏ, al-FārisiyyaIbn Qunfuḏ, Aḥmad b. Ḥusayn, al-Fārisiyya fī mabādiʾ al-dawla al-ḥafṣiyya, Muḥammad al-Šāḏilī al-Nayfar (éd.), Tunis, al-Dār al-Tūnisiyya li-l-našr, 2002., p. 210.

36

Ġurāb, «Muršidat Ibn TūmartĠurāb, Saʿīd, « Muršidat Ibn Tūmart wa-aṯaruha fī t-tafkīr al-maġribī », Les Cahiers de Tunisie, 26, 103-104 (1978), pp. 107-137. », p. 127.

37

Gannūn, Ǧawla fī al-fikr al-islāmīGannūn, ʿAbd Allāh, Ǧawla fī l-fikr al-islāmī, Tétouan, Maṭbaʿat al-Šuyūḫ, 1980., p. 4.

38

Cette copie (10261) est depuis conservée à la Bibliothèque Gannūn, à Tanger. En l’attente de son édition, toutes nos citations du dit commentaire renvoient à cette copie.

39

Ġurāb, « Muršidat Ibn TūmartĠurāb, Saʿīd, « Muršidat Ibn Tūmart wa-aṯaruha fī t-tafkīr al-maġribī », Les Cahiers de Tunisie, 26, 103-104 (1978), pp. 107-137. », p. 128.

40

al-Naǧǧār, al-Mahdī b. TūmartNaǧǧār, ʿAbd al-Maǧīd, al-Mahdī b. Tūmart, ḥayātuhu wa-ārāʾuhu, wa- ǧihāduh al-fikrī Beyrouth, Dār al-Ġarb al-ʿIslāmī, 1983., p. 447.

41

Casassas, « DifusiónCasassas Canals, Xavier, « Difusión de copias y traducciones de la ʿaqīda ‘al-Muršida’ de Ibn Tūmart entre los musulmanes españoles (ss. XV-XVII). Fijación del texto y materiales para su estudio », Al Irfan, 4 (2018), pp. 165-178. », p. 172.

42

Édité en 1899 au Caire par Aḥmad ʿAlī al-Šāḏilī pour le compte de la Maṭbaʿat al-Islām.

43

Édité au Liban par Yūsuf ʿAlī pour Dār al-Kutub al-ʿIlmiyya.

44

Très diffusée dans le monde, elle a de nombreuses éditions. Voir note 5, p. 1.

45

Cherbonneau, « Documents inédits sur Es-Sanouci », p. 175.

46

Luciani, Petit traité de théologie musulmaneLuciani, Jean Dominique, Petit traité de théologie musulmane par Abou Abdallah Mohamed ben Mohammed Ben Youssef Senoussi, Alger, Imprimerie Orientale Pierre Fontana, 1896..

47

Watt, Islamic CreedsMontgomery Watt, Islamic Creeds, Edinburgh, Edinburgh University Press, 1994..

48

Kenny, Muslim TheologyKenny, Joseph, Muslim Theology as presented by Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī especially in his al-ʿAqīda al-wusṭā, PhD Thesis, University of Edinburgh, 1970., pp. 35-48.

49

Bencheneb, « al-Sanūsī », EI 2 .

50

Van Dalen, Doubt, Scholarship and SocietyVan Dalen, Dorrit, Doubt, Scholarship and Society in 17th-Century Central Sudanic Africa, Leyde, Brill, 2016.. Voir également Rouayheb, Islamic Intellectual HistoryEl-Rouayheb, Khaled, Islamic Intellectual History in the Seventeenth Century : Scholarly Currents in the Ottoman Empire and the Maghreb, New York, Cambridge University Press, 2015., p. 106.

51

Olson s’est récemment intéressée à la distance prise par al-Sanūsī vis-à-vis de ce qu’elle appelle le « Rāzian kalām ». Voir : Olson, « Beyond the Avicennian TurnOlson, Caitlyn, « Beyond the Avicennian Turn: The Creeds of Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī (d. 895/1490) », Studia Islamica, 115 (2020), pp. 101-140. ».

52

Spevack, The Archetypal Sunni ScholarSpevack, Aaron, The Archetypal Sunni Scholar. Law, Theology, and Mysticism in the Synthesis of al-Bājūrī, New York, State University of New York Press, 2014., p. 68.

53

L’enseignement des textes théologiques d’al-Sanūsī se propage en langue vernaculaire en Afrique de l’Ouest et Niger sous le nom fulani de Kabbe, et se diffuse à Timbuktu via Aḥmad Baba, un des savants africains ayant marqué le dixième/seizième siècle. Van Dalen, Doubt, Scholarship and SocietyVan Dalen, Dorrit, Doubt, Scholarship and Society in 17th-Century Central Sudanic Africa, Leyde, Brill, 2016., p. 109.

54

On peut citer l’Égypte, mais également l’Indonésie ou la Malaisie, dans lesquelles les ʿAqāʾid sont enseignées jusqu’à nos jours. Voir : Olson, « Beyond the Avicennian TurnOlson, Caitlyn, « Beyond the Avicennian Turn: The Creeds of Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī (d. 895/1490) », Studia Islamica, 115 (2020), pp. 101-140. », p. 105.

55

El-Rouayheb, Islamic Intellectual HistoryEl-Rouayheb, Khaled, Islamic Intellectual History in the Seventeenth Century : Scholarly Currents in the Ottoman Empire and the Maghreb, New York, Cambridge University Press, 2015., p. 176.

56

Pour une illustration de cette influence, voir : Olson, « Beyond the Avicennian TurnOlson, Caitlyn, « Beyond the Avicennian Turn: The Creeds of Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī (d. 895/1490) », Studia Islamica, 115 (2020), pp. 101-140. », pp. 124-132.

57

Van Ess, « The logical structure of Islamic TheologyVan Ess, Josef, « The logical structure of Islamic Theology », dans G.E. von Grunebaum (éd.), Logic in Classical Islamic Culture, Wiesbaden, Harrassowitz, 1970, pp. 21-50. », pp. 35-38. Voir plus récemment : El-Rouayheb, « Theology and LogicEl-Rouayheb, Khaled, « Theology and Logic », dans Sabine Schmidtke (éd.), The Oxford Handbook of Islamic Theology, Oxford, Oxford University Press, 2016, pp. 409-430. », pp. 409-430.

58

Spevack, The Archetypal Sunni ScholarSpevack, Aaron, The Archetypal Sunni Scholar. Law, Theology, and Mysticism in the Synthesis of al-Bājūrī, New York, State University of New York Press, 2014., p. 68.

59

Sur les références citées par al-Sanūsī, voir : Olson, « Beyond the Avicennian TurnOlson, Caitlyn, « Beyond the Avicennian Turn: The Creeds of Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī (d. 895/1490) », Studia Islamica, 115 (2020), pp. 101-140. », pp. 120-132.

60

Al-Sanūsī se montre particulièrement critique vis-à-vis d’al-Rāzī et lui reproche à plus d’une reprise d’être influencé par la falsafa. Voir : Olson, « Beyond The Avicennian TurnOlson, Caitlyn, « Beyond the Avicennian Turn: The Creeds of Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī (d. 895/1490) », Studia Islamica, 115 (2020), pp. 101-140. », p. 122.

61

Nous précisons « majoritairement » car de rares commentateurs cités ne sont pas maghrébins, tels al-Muqtaraḥ (m. 612/1215), commentateur du Iršād, originaire d’Égypte.

62

Sur les 193 citations de kalām que nous avons répertoriées dans la Kubrā, on trouve dans l’ordre décroissant: Ibn al-Tilimsānī (cité 32 fois), al-Ǧuwaynī ( 30 fois), al-Rāzī ( 22 fois) et Ibn Dihāq (7 fois).

63

El-Rouayheb, « Opening the Gate of VerificationEl-Rouayheb, Khaled, « Opening the Gate of Verification : The Forgotten Arab-Islamic Florescence of the Seventeenth Century », IJMES, 38, 2 (2006), pp. 263-281. », p. 269.

64

Spevack, The Archetypal Sunni ScholarSpevack, Aaron, The Archetypal Sunni Scholar. Law, Theology, and Mysticism in the Synthesis of al-Bājūrī, New York, State University of New York Press, 2014., p. 175, nt 39.

65

Pour plus de précisions sur cette controverse ancienne, voir : Frank, « Knowledge and TaqlīdFrank, Richard M., « Knowledge and Taqlīd: The Foundations of Religious Beliefs in Classical Ashʿarism », Journal of American Oriental Society, 109, 1 (1989), pp. 37-62. », pp. 37-62.

66

Spevack signale qu’al-Sanūsī défend cette position dans la Kubrā, mais qu’il serait revenu dessus dans son Kifāyat al-Murīd.

67

Il aurait dit : « Plusieurs contemporains m’ont accusé d’égarement et d’innovation ». Voir ʿIlmī Ḥamdān, « Muḥammad b. Yūsuf al-SanūsīʿIlmī Ḥamdān, A., « Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī, al-Murāǧaʿāt, al-Risāla al-Ṯāniya », Maǧallat Kulliyat al-Ādāb, 3 (1988), p. 206. », p. 206.

68

Tinbuktī, Nayl al-ibtihāǧAl-Tinbuktī, Aḥmad Bābā, Nayl al-ibtihāǧ bi-taṭrīz al-dībaǧ, ʿAbd Allāh al-Harāma (éd.), Tripoli, Dār al-Kutub, 2000., p. 329.

69

Ibn Maryam, al-BustānIbn Maryam, Muḥammad, al-Bustān fī ḏikr al-ʿulamāʾ wa-l-awliyāʾ bi-Tilimsān, Alger, al-Maṭbaʿa al-Taʿālibiyya, 1908., p. 247.

70

Manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc (ms. 984 د).

71

Cherbonneau, « Documents inédits », p. 180.

72

Daḫḫān dans son ouvrage biographique sur al-Sanūsī, en incluant les fatāwā, étend la liste à 62 ouvrages. Daḫḫān, al-Imām al-ʿallāma Muḥammad b. Yūsuf al-SanūsīDaḫḫān, ʿAbd al-ʿAzīz, al-Imām al-ʿallāma Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī al-Tilimsānī wa-ǧuhūduhu fī ḫidmat al-ḥadīṯ al-nabawī al-šarīf, Alger, Dār Kardāda, 2011., p. 15.

73

al-Mawāhib, f80.

74

Brockelmann, Tārīḫ al-adab al-ʿarabīBrockelman, Carl, Tārīḫ al-adab al-ʿarabī, ʿAbd al-Ḥalīm al-Naǧǧār et Ramaḍān ʿAbd al-Tawwāb (éd.), Le Caire, Dār al-Maʿārif, 1977., tome 7, p. 478.

75

Hunwick, Arabic Literature of AfricanHunwick, John, Arabic Literature of African, volume II: The Writings of Central Sudanic Africa, Leyde, Brill, 1995., p. xxii.

76

Dans cette liste des ouvrages d’al-Sanūsī, Mallālī ne manque pourtant pas de signaler quand un des livres est inachevé : c’est le cas du commentaire de la biographie prophétique al-Rawḍ al-Unuf d’al-Suhaylī (m. 581/1185).

77

Zahrī, Taqniyat al-taʿāmul maʿa al-maḫṭūṭZahrī, Khalid, Taqniyat al-taʿāmul maʿa al-maḫṭūṭ : maḫ??? al-?aq?da nam??a?anṭūṭ al-ʿaqīda namūḏaǧan, Rabat, al-Rābiṭa al-Muḥammadiyya, 2012., p. 135.

78

Source précédente, p. 137.

79

Cette même erreur est signalée par Ġurāb lui-même concernant des copies tunisiennes du commentaire de Sakūnī! Ġurāb, Muršidat Ibn TūmartĠurāb, Saʿīd, « Muršidat Ibn Tūmart wa-aṯaruha fī t-tafkīr al-maġribī », Les Cahiers de Tunisie, 26, 103-104 (1978), pp. 107-137., p. 126. Ce commentaire a été publié, comme signalé précédemment.

80

On peut signaler des commentaires d’auteurs du XXIe siècle, tel Samīr al-Qāḍī, auteur de Muršid al-ḥāʾir édité en 2010 par Dār al-Mašārīʿ à Beyrouth.

81

C’est par ce terme que nous traduisons, faute de mieux, l’attribut al-ġināʾ qui signifie selon les ašʿarites que Dieu n’a nul besoin de sa création.

82

Sur la raison de leur absence de la Muršida, Thiele avait déjà supposé qu’il s’agît de notions incompatibles avec la doctrine almohade selon laquelle la ʿiṣma par exemple n’aurait pas été l’apanage exclusif des prophètes mais une des caractéristiques du mahdī maʿṣūm. Voir : Thiele, « Facing the Mahdī’s True BeliefThiele, Jan, « Facing the Mahdī’s True Belief : Abū ʿAmr al-Salālijī’s Ashʿarite Creed and the Almohads’ Claim to Religious Authority », al-ʿUṣūr al-Wusṭā: The Journal of Middle East Medievalists, 26 (2018), pp. 96-112. », pp. 96-112.

83

Abū Zakariyyā, AnwārAbū Zakariyyā Yaḥyā al-Hunayni/al-Hintātī, al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīda al-Muršida, ms. Tanger, Bibliothèque ʿAbd Allāh Gannūn, 10261., f°8r, l-19.

84

Abū Zakariyyā, AnwārAbū Zakariyyā Yaḥyā al-Hunayni/al-Hintātī, al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīda al-Muršida, ms. Tanger, Bibliothèque ʿAbd Allāh Gannūn, 10261., f°2v, l-2.

85

Abū Zakariyyā, AnwārAbū Zakariyyā Yaḥyā al-Hunayni/al-Hintātī, al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīda al-Muršida, ms. Tanger, Bibliothèque ʿAbd Allāh Gannūn, 10261., f°18r, l-14.

86

Abū Zakariyyā, AnwārAbū Zakariyyā Yaḥyā al-Hunayni/al-Hintātī, al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīda al-Muršida, ms. Tanger, Bibliothèque ʿAbd Allāh Gannūn, 10261., f°15r, l-17.

87

Sur la vie et l’oeuvre d’al-Salalǧī, voir: Baḫtī, Al-Salalǧī wa-maḏhabiyyatuh al-ašʿariyyaAl-Baḫtī, Ǧamāl ʿAllāl, al-Salālǧī wa-madhabiyyatuhu al-ašʿariyya, Rabat, Imprimerie du ministère des Affaires Religieuses, 2005., pp. 40-60. Voir également : Thiele, « Facing the Mahdī’s True BeliefThiele, Jan, « Facing the Mahdī’s True Belief : Abū ʿAmr al-Salālijī’s Ashʿarite Creed and the Almohads’ Claim to Religious Authority », al-ʿUṣūr al-Wusṭā: The Journal of Middle East Medievalists, 26 (2018), pp. 96-112. », pp. 96-112.

88

al-Awsī, al-Dayl wa-l-takmilaAl-Awsī, Muḥammad b. Aḥmad, al-Dayl wa-l-takmila, Beyrouth, Dār al-kutub al-ʿilmiyya, 2012., tome 3, p. 550. Voir aussi al-Ḫaffāf, AǧwibaAl-Ḫaffāf, Abū Bakr, Aǧwiba fī ʿilm al-kalām, ʿAbd Allāh al-Tawrātī (éd.), Tanger, Dār al-Ḥadīṯ al-Kattāniyya, 2018., pp. 20-28.

89

al-Ḫaffāf, AǧwibaAl-Ḫaffāf, Abū Bakr, Aǧwiba fī ʿilm al-kalām, ʿAbd Allāh al-Tawrātī (éd.), Tanger, Dār al-Ḥadīṯ al-Kattāniyya, 2018., p. 26.

90

C’est sous cette orthographe qu’il est le plus souvent cité, et non « al-Ǧarāwī » ce qui serait plus logique.

91

La Mudawwana est la compilation faite par Saḥnūn b. Saʿīd (m. 240/854) rassemblant des fatāwā de Mālik b. Anas (m. 179/795) entendues par son disciple Ibn Qāsim (m. 190/806) ainsi que les avis propres à ce dernier. Considérée comme l’une des références du malékisme au Maghreb, ce livre a survécu à la campagne de censure almohade et est particulièrement populaire à Fès au VIIe/XIIIe siècle. Voir : Bousquet, « La Mudawwana» ; Brockopp, « Saḥnūn b. Saʿīd ».

92

Voir : al-Ḥaṭṭāb al-Raʿīnī, Mawāhib al-Ǧalīl, tome 1, p. 316.

93

Voir : Amharar, « Abū ʿImrān al-ǦawrāʾīAmharar, Ilyass, « Abū ʿImrān al-Ǧawrāʾī et sa profession de foi (ʿaqīda). À la découverte d’un théologien ašʿarite maghrébin encore inconnu. Édition critique et traduction », MIDÉO, 36 (2020), pp. 265-300. », pp. 265-300 ; « Encore sur Abū ʿImrān al-ǦawrāʾīAmharar, Ilyass, « Encore sur Abū ʿImrān al-Ǧawrāʾī », MIDÉO, 37 (2022), pp. 163-176. » ; L’ašʿarisme à Fès des Almohades aux MérinidesAmharar, Ilyass, L’ašʿarisme à Fès, des Almohades aux Mérinides. La profession de foi d’Abū ʿImrān al-Ǧawrāʾī, Rabat, Les Publications du Centre Jacques Berque, 2022..

94

Selon les copies, il est soit appelé « Abū Muḥammad », soit « Abū Mālik », ou enfin « Abū ʿAbd al-Wāḥid ».

95

Il a plusieurs copies, dont une conservée à la British Library (OCAC 165) sous le nom de al-Tanǧīzitī, ce que nous pensons être une erreur: dans cette même copie, l’auteur se définit comme al-Matġarī al-Tabaḥrītī al-dār, ce qui laisse supposer qu’il serait originaire de Tabaḥrīt, petite ville côtière de l’Ouest algérien, peuplée justement par la tribu d’al-Matġara.

96

Voir à titre d’exemple: Abū Zakariyyā, AnwārAbū Zakariyyā Yaḥyā al-Hunayni/al-Hintātī, al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīda al-Muršida, ms. Tanger, Bibliothèque ʿAbd Allāh Gannūn, 10261., f°2v, l 1-3.

97

Voir : Olson, « Beyond the Avicennian TurnOlson, Caitlyn, « Beyond the Avicennian Turn: The Creeds of Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī (d. 895/1490) », Studia Islamica, 115 (2020), pp. 101-140. », pp. 124-132.

98

Abū Zakariyyā, AnwārAbū Zakariyyā Yaḥyā al-Hunayni/al-Hintātī, al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīda al-Muršida, ms. Tanger, Bibliothèque ʿAbd Allāh Gannūn, 10261., f°2v, l-16.

99

Voir le folio 64v du commentaire d’al-Šaybānī al-Ṭarābulsī (milieu du VIIIe/XIVe siècle) conservé à la Bnf (5296, f63), disponible en ligne sur le portail Gallica. Abū ʿAbd Allāh al-Šaybānī al-Ṭarābulsī (milieu du VIIIe/XIVe siècle), Šarḥ al-MuršidaAbū ʿAbd Allāh al-Šaybānī al-Ṭarābulsī (milieu du VIIIe/XIVe siècle), Šarḥ al-Muršida, ms. Paris, Bibliothèque nationale de France, 5296., f° 63.

100

Abū Zakariyyā, AnwārAbū Zakariyyā Yaḥyā al-Hunayni/al-Hintātī, al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīda al-Muršida, ms. Tanger, Bibliothèque ʿAbd Allāh Gannūn, 10261., f° 23r, l-20.

101

Tinbuktī, Nayl al-ibtihāǧAl-Tinbuktī, Aḥmad Bābā, Nayl al-ibtihāǧ bi-taṭrīz al-dībaǧ, ʿAbd Allāh al-Harāma (éd.), Tripoli, Dār al-Kutub, 2000., p. 572.

102

Voir note 17.

103

Fromherz, « Abū Ḥafṣ ʿUmar al-HintātīFromherz, Allen J., « Abū Ḥafṣ ʿUmar al-Hintātī », EI3. », EI 3 .

104

Brunschvig, La Berbérie orientaleBrunschvig, Robert, La Berbérie orientale sous les Ḥafṣides des origines à la fin du XVe siècle, Paris, Adrien-Maisonneuve, 1940-1947, 2 tomes., tome I, pp. 163-166. Voir aussi: Ibn Qunfuḏ, al-FārisiyyaIbn Qunfuḏ, Aḥmad b. Ḥusayn, al-Fārisiyya fī mabādiʾ al-dawla al-ḥafṣiyya, Muḥammad al-Šāḏilī al-Nayfar (éd.), Tunis, al-Dār al-Tūnisiyya li-l-našr, 2002., p. 168.

105

À l’exemple d’Ibn Marzūq (vivant en 918/1512), qui lui consacra un ouvrage panégyrique : al-Musnad al-Ṣaḥīḥ al-Ḥasan fī maʾāṯir wa-maḥāsin Mawlānā Abī l-Ḥasan, signalé par Lévi-Provencal en 1925 et édité en 1981 par María Jesus Viguera en Algérie pour le compte de la Maktaba al-Waṭaniyya al-Ǧazāʾiriyya.

106

Rappelons que notre texte n’est pas spontané mais rédigé à la demande d’un tiers.

107

Tabaḥrīt et Ǧarāwa, dont semblent être originaires deux auteurs cités dans le texte, sont toutes deux dans la zone située entre Fès et Tlemcen.

108

Parmi les textes produits à Tlemcen à cette époque, on trouve une versification du traité datant de 742/1342, et un autre commentaire de la Muršida, écrit par un savant méconnu, Ibn al-Naqqāš al-Umawī. On peut également supposer que le commentaire écrit par Ibn ʿAbbād (m. 791/1391) l’ait été durant son passage à Tlemcen.

109

Al-Qalaṣādī, Riḥlat al-QalaṣādīAl-Qalaṣādī, ʿAlī b. Muḥammad, Riḥlat al-Qalaṣādī, Muḥammad Abū al-Aǧfān (éd.), Tunis, al-Maktaba al-Tūnisiyya, 1978., p. 111.

110

Dans son Nayl al-Ibtihāǧ, Timbuktī reprend mot à mot cette phrase de Qalaṣādī. Tinbuktī, Nayl al-ibtihāǧAl-Tinbuktī, Aḥmad Bābā, Nayl al-ibtihāǧ bi-taṭrīz al-dībaǧ, ʿAbd Allāh al-Harāma (éd.), Tripoli, Dār al-Kutub, 2000., p. 358.

111

Voir Bencheneb, « TanasBencheneb, Muḥammad, « Tanas », EI2. », EI 2 .

112

Bencheneb, « TanasBencheneb, Muḥammad, « Tanas », EI2. », EI 2 . Bencheneb y en cite quelques-uns. Notre auteur n’y figure pas.

113

Sur l’histoire de la ville voir : Marçais, « HonaïnMarçais, Georges, « Honaïn », Encyclopédie berbère [en ligne], 23 | 2000, document H56, mis en ligne le 01 juin 2011, consulté le 03 novembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/1604 ; DOI : https://doi.org/10.4000/encyclopedieberbere.1604. », EI.

114

Sur l’évolution de Hunayn, de l’Antiquité aux Zayyānides, voir : Khelifa, « L’urbanisation des TrarasKhelifa, Abderrahmane, « L’urbanisation des Traras au moyen âge : le cas de Hunayn », dans Jean-Marie Martin (éd.), Castrum 7, Zones côtières littorales dans le monde méditerranéen au moyen âge: défense, peuplement, mise en valeur, Madrid, Collection de la Casa de Velázquez, 2001, pp. 323-339. », pp. 323-339.

115

Bakrī, al-MuġribAl-Bakrī, ʿAbd Allāh, al-Muġrib fī ḏikr bilād Ifrīqiyya wa-l-Maġrib, Le Caire, Dār al-Kitāb al-ʿIslāmī, s.d., p. 168.

116

Dans l’introduction de son édition critique du Šarḥ al-Muḫtaṣar fī l-manṭiq d’al-Sanūsī, ʿAlliwān discute l’affirmation de Timbuktī selon laquelle al-Sanūsī serait né en 832, et la situe entre 838 et 839. Voir ʿAlliwān, Muḥammad b. Yūsuf al-SanūsīʿAlliwān, Saʿīd, Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī wa-šarḥuhu li-Muḫtasarihi fī l-manṭiq, Arbid, Dār al-Kitāb al-Ṯaqāfī, 2009., p. 48.

117

Thiele, « Ashʿarism in the Ḥafṣid EraThiele, Jan, « Ashʿarism in the Ḥafṣid Era », dans Ayman Shihadeh et Jan Thiele (éd.), Philosophical Theology in Islam. Later Ashʿarism East and West, Leyde, Brill, 2020, pp. 298-336. », p. 304.

118

Pour ce qui est de la ʿaqīda d’Abū ʿImrān, voir récemment : Amharar, L’ašʿarisme à FèsAmharar, Ilyass, L’ašʿarisme à Fès, des Almohades aux Mérinides. La profession de foi d’Abū ʿImrān al-Ǧawrāʾī, Rabat, Les Publications du Centre Jacques Berque, 2022..

Bibliographie

 

Copies manuscrites

 

Abū ʿAbd Allāh al-Šaybānī al-Ṭarābulsī (milieu du VIIIe/XIVe siècle), Šarḥ al-Muršida, ms. Paris, Bibliothèque nationale de France, 5296.

Abū Zakariyyā Yaḥyā al-Hunayni/al-Hintātī, al-Anwār al-mubayyina al-muʾayyida li-maʿānī ʿaqd ʿaqīda al-Muršida, ms. Tanger, Bibliothèque ʿAbd Allāh Gannūn, 10261.

Sources

 

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Al-Bakrī, ʿAbd Allāh, al-Muġrib fī ḏikr bilād Ifrīqiyya wa-l-Maġrib, Le Caire, Dār al-Kitāb al-ʿIslāmī, s.d.

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Al-Ḫaffāf, Abū Bakr, Aǧwiba fī ʿilm al-kalām, ʿAbd Allāh al-Tawrātī (éd.), Tanger, Dār al-Ḥadīṯ al-Kattāniyya, 2018.

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Études

 

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Brockelman, Carl, Tārīḫ al-adab al-ʿarabī, ʿAbd al-Ḥalīm al-Naǧǧār et Ramaḍān ʿAbd al-Tawwāb (éd.), Le Caire, Dār al-Maʿārif, 1977.

Brunschvig, Robert, La Berbérie orientale sous les Ḥafṣides des origines à la fin du XVe siècle, Paris, Adrien-Maisonneuve, 1940-1947, 2 tomes.

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